L’écrivain aux mille vies dévoile une facette insoupçonnée : la peinture. Jusqu’au 30 juin, ses toiles vibrantes investissent le Musée Mohammed VI de Rabat, entre éclats de lumière et appels à la sérénité. Une respiration artistique loin des brûlures du monde.
Il a écrit contre le racisme, pour la Palestine, pour les femmes, contre l’oubli. Mais cette fois, c’est sans mots que Tahar Ben Jelloun s’exprime. Jusqu’au 30 juin, le Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain de Rabat accueille une exposition inédite du célèbre écrivain franco-marocain, consacré par le prix Goncourt en 1987. Une quarantaine de toiles acryliques y sont présentées dans une scénographie éclatante, baignée de bleu électrique. Oubliez les polémiques, les débats, les prises de position : ici, seule la couleur parle.
« Ma peinture n’est pas militante. Elle ne porte ni idéologie, ni message politique », affirme Ben Jelloun. Une déclaration presque provocante, tant son œuvre littéraire est traversée de combats. Mais sur ses toiles, rien de frontal. Seulement des formes abstraites, des jeux de lumière, des portes qui s’ouvrent sur l’inconnu. Et des couleurs, comme autant d’élans vers l’apaisement. « J’ai toujours été un homme de paix. Et aujourd’hui, la paix est maltraitée par les grandes puissances », dit-il. Alors il peint. Pour offrir du calme, pour contrebalancer la fureur du monde.
Tahar Ben Jelloun a commencé à peindre en 2012, sur l’impulsion d’un ami. Un an plus tard, il exposait déjà. Depuis, il n’a jamais cessé. Mais jamais encore il n’avait présenté son travail dans un lieu aussi emblématique que le Musée Mohammed VI de Rabat, qui a déjà accueilli des expositions de Monet, Van Gogh ou Picasso. « C’est une consécration », confie l’écrivain, visiblement ému de voir ses toiles prendre place dans cette institution marocaine majeure.
Dans ces œuvres, on retrouve pourtant des échos discrets de son univers. Des mots manuscrits glissés au détour d’un trait, comme des murmures poétiques. Des formes symboliques, comme ces portes, signes d’ouverture et de spiritualité. « C’est un clin d’œil à la poésie que j’écris », glisse-t-il. Et même s’il revendique une peinture « libre », « immédiate », « sincère », on sent que l’écrivain n’est jamais très loin du peintre.
Pour Mehdi Qotbi, président de la Fondation Nationale des Musées du Maroc, cette exposition est une révélation : « Ses livres m’ont fait voyager, sa peinture m’apporte joie et bonheur. » Il n’est pas le seul à le penser. Les visiteurs se laissent happer par cette palette vive, ce rythme pictural presque musical. D’ailleurs, la question lui est posée : après l’écriture et la peinture, pourquoi pas la musique ? Réponse amusée : « J’adore la musique… mais ce serait une catastrophe ! »
À 79 ans, Tahar Ben Jelloun ne ralentit pas. Il prépare déjà une grande exposition à Zurich pour octobre 2025. Et en janvier 2026, il dévoilera à Casablanca une série de vitraux inspirés de ses toiles. L’écrivain, peintre, poète, essayiste, continue de déployer ses multiples facettes sans jamais s’enfermer. Une œuvre en mouvement, entre lumière intérieure et art de la transmission. Peindre pour ne pas céder à la noirceur, pour respirer un peu dans un monde asphyxié.
Infos pratiques :
Exposition : Tahar Ben Jelloun – Les couleurs de l’âme
Lieu : Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain, Rabat
Dates : Jusqu’au 30 juin 2025
Horaires : Tous les jours sauf mardi, de 10h à 18h
Tarifs : 20 DH (plein tarif), 10 DH (étudiants et groupes)