
Depuis un demi-siècle, le Gabon et la Guinée équatoriale se disputent les îles Mbanié, Cocotiers et Conga, situées dans la baie de Corisco, dans le Golfe de Guinée. 30 hectares sans intérêt mais entourés d’eaux potentiellement riches en réserves d’hydrocarbures. Les deux pays ont accepté de s’en remettre à la Cour internationale de Justice (CIJ).
Par Ian Hamel
Il n’y a pas eu véritablement de guerre entre le Gabon (2,5 millions d’habitants) et son voisin, la Guinée équatoriale (1,8 millions). Mais les tensions ont été suffisamment fortes en 1972 pour que Libreville installe en permanence sur l’île de Mbanié un détachement de gendarmes gabonais avec pour « mission de défendre la frontière ». Il s’agit d’une petite île sablonneuse située à une dizaine de kilomètres de la terre équato-guinéenne la plus proche, et à une vingtaine de kilomètres des côtes du Gabon. En 2003, une médiation de l’ONU échoue. Mais en 2021, les deux voisins acceptent que la Cour internationale de justice (CIJ), la plus haute juridiction de l’ONU, entame une procédure.
Finalement, le 19 mai 2025, la Cour a conclu que les titres juridiques hérités de la période coloniale plaidaient en faveur de la Guinée équatoriale. Cette décision n’a pas fait la une de la presse internationale, même si les enjeux économiques et énergétiques sont considérables. « Les projets pétroliers proches des côtes des deux pays contiennent 743 millions de barils de gisements de pétrole brut », souligne le Colonel Samuel Kamé-Domguia, Expert en géostratégies disruptives. Pour ce consultant international Senior, en choisissant de soumettre leur litige à La Haye, « les deux États ont fait preuve d’une maturité diplomatique qui contraste avec l’escalade de tension souvent observée dans de telles situations ».
Titres juridiques de la période coloniale
Pour le Cofondateur du Cabinet KameDomguia Consulting Group « cette affaire démontre l’importance du recours au droit international pour prévenir l’escalade des conflits en Afrique » (*). Dans son arrêt, la CIJ rappelle qu’il ne lui a pas été demandé de délimiter les frontières terrestre et maritime ni de trancher la question de la souveraineté sur les iles Mbanié/Mbane, Cocotiers/Cocotros et Conga, « mais uniquement de déterminer si les titres juridiques, traités et conventions internationales invoqués par l’une et l’autre des parties font droit dans leurs relations s’agissant du différend qui les oppose ». Finalement, la Cour conclut que les titres juridiques hérités de la période coloniale plaident en faveur de la Guinée équatoriale.
Il s’agit d’une convention spéciale sur la délimitation des possessions françaises et espagnoles en Afrique signée à Paris le 27 juin 1900. Les titres détenus par la France ont été transmis lors de l’indépendance du Gabon le 17 août 1960 et ceux de l’Espagne à la Guinée équatoriale le 12 octobre 1968. Les conséquences pour les deux pays ne sont pas négligeables, comme l’expose Samuel Kamé-Domguia, auteur de la Stratégie Africaine Intégrée pour les Mers et les Océans – horizon 2050 (Stratégie AIM 2050) : « Malabo, déjà un acteur majeur du pétrole en Afrique centrale, voit ses prétentions territoriales confirmées, ce qui pourrait attirer de nouveaux investisseurs ou consolider les partenariats existants ». La Guinée équatoriale peut également s’appuyer sur une extension potentielle de son plateau continental, « ce qui pourrait lui donner accès à de nouvelles zones d’exploration et d’exploitation ». Mauvaise nouvelle en revanche pour le Gabon, qui va devoir « réajuster sa stratégie énergétique » et « réévaluer ses cartes d’exploration et de concession, ce qui pourrait engendrer des pertes financières substantielles à court terme et la nécessité de revoir sa politique d’attraction des investissements dans la zone ».
Dorénavant, les gendarmes gabonais n’auront pu à s’ennuyer sur l’îlot de Mbanié pour défendre la frontière. Et la Guinée équatoriale ne devrait normalement pas être contrainte d’y envoyer à son tour ses carabiniers pour veiller sur ses cocotiers.
(*) « Au-delà des îles : les répercussions géopolitiques et géostratégiques profondes de la décision de la CIJ entre le Gabon et la Guinée équatorial ».
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