Bien qu’ayant seulement trois ans au moment des faits, le fils de l’ex Guide libyen Mouammar Kadhafi, Hannibal Kadhafi, est accusé en raison de son rôle au sein du régime kadhafiste, de détenir des informations au sujet de l’enlèvement d’un imam libanais, l’influent religieux chiite Moussa Sadr. Détenu depuis dix ans au Liban sans preuve tangible, ll incarne les non-dits d’un dossier qui enflamme toujours Beyrouth, Tripoli et Téhéran
Les autorités libanaises l’ont détenu sans procès depuis son arrestation en décembre 2015, malgré des appels d’ONG telles que Human Rights Watch et de son avocat à obtenir sa libération .
Des rumeurs annonçant sa libération au début mars 2025 ont été formellement démenties par son avocat, qui a affirmé qu’aucun changement dans son statut juridique n’était intervenu depuis 2017
Bechir Jouini, chercheur
Hannibal Kadhafi, âgé de 50 ans, refuse de finir oublié dans les prisons libanaises. Le fils de l’ancien dirigeant libyen Mouammar Kadhafi a été arrêté au Liban en décembre 2015 après avoir été enlevé par un groupe armé, dont certains membres seraient liés à l’ancien député libanais Hassan Yaacoub.
Marié à la Libanaise Aline Skaf, Hannibal est détenu depuis dix ans sans motif légal valable, selon ses avocats, tandis que la justice libanaise l’accuse de « dissimulation d’informations » – un crime passible d’une peine maximale de trois ans – dans le cadre de l’affaire de la disparition de Moussa Sadr[1], chef spirituel de la communauté chiite libanaise et fondateur du mouvement Amal[2].
Les autorités libanaises n’ont pas réussi à punir le père, Mouammar Kadhafi, mort avant la révolution contre son régime en 2011. Vont-elles se venger sur le fils ? Quoi qu’il en soit, Hannibal Kadhafi insiste sur le fait qu’il n’avait que deux ans au moment de la disparition du religieux chiite et de ses deux compagnons en 1978.
Mais pourquoi cette affaire est-elle si importante pour la Libye, mais aussi pour d’autres pays comme l’Iran, la Syrie, l’Irak et l’Italie ?
Tout commence avec la présentation du chef de la délégation tripartite, dont plusieurs parties accusent la Libye de l’avoir fait disparaître ou de l’avoir liquidé : il s’agit de l’influent religieux Moussa Sadr. Né le 4 juin 1928 dans la ville iranienne de Qom, il a grandi dans une famille de savoir et de jurisprudence. Il fut l’un des premiers clercs à allier sciences religieuses et modernes. En 1954, après avoir obtenu des diplômes universitaires en sciences modernes, il se rendit à Najaf pour approfondir ses études religieuses. C’est là qu’il rencontra le cheikh Mohammed Yaacoub, qui deviendra son compagnon le plus proche (et qui l’accompagnera dans son voyage en Libye avant de disparaître avec lui).
Par la suite, il entama son activité religieuse depuis la ville libanaise de Tyr en 1959, avant d’être élu président du Conseil islamique chiite en 1969. Ses responsabilités ne cessèrent de croître, et il parcourut tout le Liban, rassemblant les efforts autour de ce qu’il considérait comme un projet politique unificateur de toutes les confessions. Ce projet se concrétisa en 1974 avec la création du « Mouvement des déshérités », qui rassemblait des personnalités libanaises de toutes les confessions. Il tenta, en unissant ces figures, de faire face à la guerre civile libanaise qui éclata en 1975, en menant plusieurs manifestations et sit-in qui ouvrirent la voie à la mobilisation pour la création du mouvement Amal.
L’imam Moussa Sadr soutint également la cause palestinienne et la résistance, tout en s’opposant à l’installation des Palestiniens au Liban et en critiquant les exactions de certaines organisations palestiniennes dans le pays.
À la même époque, les événements au Liban étaient influencés par le régime de Mouammar Kadhafi, l’un des principaux financeurs et soutiens de la guerre civile libanaise. Moussa Sadr tenta de contenir les conséquences de cette implication libyenne en ouvrant des canaux de communication avec les autorités libyennes, d’autant plus qu’Israël avait envahi le sud du Liban, rendant cruciale l’unité face à ce nouveau défi.
Il entama alors une tournée arabe, commençant par l’Algérie, où il rencontra le président Houari Boumédiène, qui lui conseilla de se rendre auprès de Kadhafi pour obtenir son soutien et mettre fin aux agressions contre le Liban. C’est ainsi que, le 24 août 1978, l’imam reçut une invitation officielle à visiter la Libye, remise par le chargé d’affaires libyen au Liban, Mahmoud Ben Kourra. Malgré les doutes et les craintes de son entourage, il partit à la tête d’une délégation comprenant le cheikh Mohammed Yaacoub et le journaliste Abbas Badr.
Cependant, des questions entourèrent cette invitation dès l’arrivée de la délégation en Libye : aucun responsable libyen ne les accueillit officiellement, seuls l’employé Hassam Milad et Ahmed Chhati, directeur du bureau des relations extérieures, furent présents. L’imam n’eut qu’une brève rencontre de quelques minutes avec Abdallah Senoussi, chef des renseignements libyens, ce qui attisa sa colère et le poussa à demander à partir, d’autant que son épouse était hospitalisée à Paris pour traitement. Pourtant, les autorités libyennes le firent patienter cinq jours avant la mystérieuse rencontre avec Mouammar Kadhafi.
La rencontre entre Kadhafi et l’imam .
Hussein Kanan, chef du bureau politique du mouvement Amal, témoigne dans une déclaration importante que Mouammar Kadhafi aurait proposé à l’imam Moussa Sadr un soutien illimité, déclarant : « La Libye, avec ses armes et ses ressources, est à ta disposition si tu combats les Maronites. » La réponse de l’imam fut un refus catégorique, ce qui provoqua la colère de Kadhafi, mettant fin à la réunion.
Après cela, les nouvelles de l’imam Moussa Sadr et de son compagnon cessèrent. Des manifestations éclatèrent au Liban, et il devint évident que sa disparition aurait un impact profond sur le Liban et d’autres pays liés à lui. Le 17 septembre 1978, la Libye publia un communiqué affirmant que Sadr et Yaacoub étaient partis soudainement en direction de l’Italie.
C’est alors que surgirent des récits contradictoires, entre démentis, confirmations et pistes de disparition suspectes. Voici les principales versions qui ont circulé depuis cette date jusqu’à récemment :
- Abd el Rahman Chalgham (ancien ministre des Affaires étrangères)
Abd el Rahman Chalgham a indiqué que Moussa Sadr avait besoin d’un soutien financier et militaire pour le mouvement Amal. Il a rencontré le président algérien Houari Boumédiène, qui n’a pas répondu à sa demande mais lui a conseillé de se rendre en Libye, recommandant Mouammar Kadhafi à son égard. Chalgham a mentionné que les assistants de Moussa Sadr et plusieurs de ses proches avaient tenté de l’en dissuader, mais il a pris le risque de s’y rendre. La rencontre avec Kadhafi fut houleuse, les deux hommes s’opposant sur plusieurs questions religieuses.
Selon les rumeurs libanaises, la rencontre s’est mal terminée, mais l’ancien ministre libyen des Affaires étrangères s’interroge sur l’existence réelle de divergences entre Sadr et le régime de Kadhafi, rejetant cette version. Il souligne que Kadhafi se considérait comme un descendant de Moussa al-Kadhim (un imam chiite) et que Moussa Sadr n’était pas opposé aux révolutionnaires, tels que définis par le système libyen.
Chalgham minimise également une autre version rapportée par Mohammed Ramadan, conseiller spécial de Kadhafi, selon laquelle le régime aurait tué Moussa Sadr via les officiers Faraj Bougala et Bachir Hamida, puis aurait chargé l’agent des renseignements Mohammed Al-Rahibi de jouer le rôle de Sadr et de voyager à Rome avec deux accompagnateurs.
Après la révolution libyenne du 17 février 2011, plusieurs corps d’opposants au régime de Kadhafi ont été retrouvés, dont celui de Mansour El-Kikhia, ancien ministre des Affaires étrangères[3], enterré dans une villa du quartier d’Al-Andalus. L’ancien Premier ministre libyen Mahmoud Jibril aurait déclaré à Chalgham que des recherches avaient été menées dans les lieux où Sadr était supposé se trouver, sans résultat. Le ministre italien de l’Intérieur, Fabbrizio, a fourni à Chalgham un dossier complet sur Moussa Sadr. Ce dernier a proposé la création d’une commission tripartite (Libye-Liban-Italie), mais les Libanais ont refusé.
- Abdessalam Jalloud (Premier ministre libyen à l’époque de la visite de Moussa Sadr)
Abdessalam Jalloud, l’une des figures majeures de l’ère Kadhafi avant de prendre ses distances en 1992 (puis de soutenir la révolution en 2011), a témoigné que Kadhafi convoquait habituellement le directeur des protocoles un mois avant les célébrations du 1er septembre[4] pour organiser les invitations. En 1978, Moussa Sadr fut invité, mais Jalloud affirme ne pas avoir été informé à l’avance.
Lorsqu’il apprit la disparition, il exprima son mécontentement et demanda à Kadhafi, lors d’un appel tendu, de révéler le sort des invités libanais. Kadhafi nia toute implication. Jalloud ajoute que Kadhafi aurait choisi un agent des renseignements ressemblant à Sadr pour le remplacer lors du voyage à Rome, une manœuvre qu’il qualifie de « maladroite ». Il explique que Kadhafi répétait que « la communauté chiite ne devait pas être dirigée par un chiite perse ».
- Ahmed Kadhaf al-Dam (responsable sécuritaire et cousin de Kadhafi)
Ahmed Kadhaf al-Dam nie toute logique derrière une éventuelle liquidation de Moussa Sadr par Kadhafi. Il souligne que le leader libyen avait des divergences avec ses pairs au Conseil de la révolution, mais n’a jamais éliminé l’un d’eux. Selon lui, Sadr n’était pas en opposition avec le régime et était même proche de lui.
Il s’interroge : pourquoi l’avoir fait venir à Tripoli pour le tuer alors que la Libye avait des groupes opérant au Liban ? Il conclut que ce mystère reste entier car certains ont intérêt à en faire un prétexte pour affaiblir la Libye, en punition de son soutien au Liban, à la Palestine et aux mouvements de libération.
Lors d’une visite à Téhéran sous Khatami, le président iranien lui demanda de servir de médiateur dans l’affaire Sadr. Il proposa une commission quadripartite (Iran, Syrie, Liban, Libye), avec Mohammad Baqer Abtahi (clerc iranien), Mohammad Nassif Khairbek (conseiller sécuritaire syrien) et Jamil El-Sayyed (directeur de la sûreté libanaise). Les réunions eurent lieu à Beyrouth et Genève, mais les efforts échouèrent en raison de l’opposition de Nabih Berri, chef du Parlement libanais et d’Amal[5].
- Aziz Oumar Chenib (colonel et ancien ambassadeur libyen en Roumanie et Jordanie)
L’ancien ambassadeur a affirmé que Kadhafi avait ordonné la liquidation de Moussa Sadr en 1978. Il détient une lettre importante pour la famille de Sadr, qu’il n’a jamais pu leur transmettre.
- Mohammed Abou Al-Qasim Al-Zouï (président du Parlement et ancien ministre de la Justice en Libye )
Al-Zouï a déclaré avoir vu Moussa Sadr et sa délégation descendre de l’avion le 31 août 1978. Étonné par l’absence de couverture médiatique, il ordonna une couverture, mais les journalistes ne les trouvèrent pas à l’hôtel.
L’ambassadeur mauritanien en Libye lui aurait confirmé avoir vu Sadr à l’aéroport. Al-Zouï a également vu les tampons italiens sur le passeport de Sadr, mais nie qu’Abdallah Senoussi ait été impliqué. Selon des sources internes, c’est Moussa Koussa (ancien chef des renseignements) qui aurait joué le rôle de Sadr lors du vol Tripoli-Rome.
- Mohammed El-Khaddar (ancien procureur de Tripoli)
El-Khaddar rapporte que l’avion libyen en provenance de Rome la première semaine de septembre 1978 a été retardé de 30 minutes pour permettre à un agent des renseignements (probablement Mohammed Ali Al-Rahibi) d’embarquer. Ce dernier aurait joué le rôle de Sadr à l’hôtel Holiday Inn a Rome.
- Abdel Monem Al-Houni (ancien ministre et membre du Conseil de la révolution)
Al-Houni affirme que Sadr a été emprisonné à Tripoli, puis emmené à Syrte pour rencontrer Kadhafi. Espérant qu’il modifierait ses positions religieuses (qui avaient irrité Kadhafi), ce dernier ordonna sa liquidation lorsqu’il refusa de céder.
- Abd el Fattah Younès (ancien ministre de l’Intérieur et chef d’état-major en 2011)
Younès confirme que Sadr et ses compagnons furent tués quelques jours après leur arrivée en Libye par Sabri Al-Banna (Abou Nidal)[6], qui les enterra dans son jardin.
- La version italienne
Stefania Limenti (journaliste d’investigation) et Alessandro Politi (expert en sécurité) estiment que la version officielle libyenne n’est pas crédible. L’affaire pourrait être une opération internationale menée sur le sol italien.
- Habib Masoud (ancien gardien de prison)
Masoud a reconnu avoir gardé Moussa Sadr entre 1992 et 1994 dans une prison de Tripoli (rue Al-Nasr). Sadr bénéficiait de soins médicaux et de conditions décentes. Cependant, toute trace de lui disparut en 1995. En 2011, une inscription attribuée à Sadr fut découverte dans la prison d’Aïn Zara, confirmée par l’ancien détenu Moaz Bouhlega.
- La version américaine
En 1978, des responsables du Département d’État américain auraient informé la famille de Sadr qu’il avait été liquidé, avant de se rétracter. Le New York Times a évoqué une rivalité entre Sadr et l’ayatollah Khomeini, ainsi que des contacts secrets entre Sadr et le Shah d’Iran.
Andrew Cooper (universitaire à Columbia) estime que Sadr aurait pu changer le visage du Moyen-Orient s’il n’avait pas disparu[7].
- Ali Nouri Zadeh (chercheur iranien)
Le chercheur iranien Ali Nouri Zadeh a révélé que l’entourage extrémiste de l’ayatollah Khomeini était responsable de l’élimination de l’Imam Sadr, afin de s’assurer le contrôle et la pérennité du pouvoir en Iran. Cela s’est concrétisé à l’été 1978 lorsque Sadr a disparu en Libye avec deux de ses accompagnateurs.
Le Dr. Ali Nouri Zadeh, ami personnel de Sadr et directeur d’un centre d’études spécialisé sur les affaires iraniennes à Londres, a expliqué que Sadr fut le premier à percevoir la menace que représentaient les extrémistes pour l’Iran à la fin des années 1970. Il avait engagé des contacts secrets avec le Shah Mohammad Reza Pahlavi, ce que Khomeini et son cercle ont découvert, les poussant à éliminer Sadr, considéré comme un obstacle à leurs ambitions. Cette opération fut menée en collaboration avec le régime de Kadhafi en Libye, alors en conflit avec le Shah.
Zadeh a précisé qu’il séjournait souvent chez Sadr à Beyrouth dans les années 1970 et était au courant des échanges entre ce dernier et le Shah. Une des lettres, interceptée à cause d’une trahison, serait parvenue à Khomeini au lieu du Shah, scellant le sort de Sadr. Selon Nouri Zadeh, Kadhafi n’a été qu’un exécutant dans cette affaire.
Les récits sur la fin de Sadr divergent : certains évoquent un assassinat en Libye, suivi d’un enfermement dans un cercueil en béton jeté en Méditerranée ; d’autres affirment que Kadhafi a dissous son corps dans de l’acide.
Nouri Zadeh mentionne également un sympathisant de Sadr, Moïn Zadeh, employé à l’ambassade d’Iran à Beyrouth, qui aurait remis une lettre de médiation destinée au Shah aux partisans de Khomeini (sans impliquer directement Khomeini, selon le chercheur). Parmi eux, Jalel Eddin Farsi et Mohammad Saleh al-Husseini, un Irakien d’origine iranienne, se seraient rendus en Libye pour convaincre Kadhafi de « faire disparaître » Sadr.
Enfin, Nouri Zadeh souligne que Khomeini, après la révolution, n’a jamais enquêté sur le sort de Sadr. Au contraire, des proches de Kadhafi dans l’entourage de Khomeini sont allés en Libye pour récupérer des fonds et des missiles Scud (40 unités), en échange de l’étouffement médiatique de l’affaire. Une campagne de diffamation contre Sadr a ensuite été orchestrée.
Un dossier au point mort : entre enjeux juridiques et humanitaires d’un côté, et considérations politiques et propagandistes de l’autre
Nul doute que le dossier de Hannibal Kadhafi, fils du défunt colonel Kadhafi, détenu au Liban depuis décembre 2015, est entré dans une phase de stagnation. Plusieurs facteurs expliquent cette paralysie, notamment la situation particulière que traverse la Libye, marquée par des divisions politiques et des affrontements récurrents. À cela s’ajoutent la guerre en cours dans la bande de Gaza et au Liban, ainsi que les récents développements en Syrie.
Pourtant, Hannibal Kadhafi bénéficie d’un traitement « privilégié » dans sa cellule d’isolement, et sa famille ainsi que ses avocats lui rendent régulièrement visite. Malgré cela, Hannibal ne cesse de répéter qu’il est un « bouc émissaire, un otage et un prisonnier politique dans une affaire qui ne le concerne pas, puisqu’il n’était qu’un enfant au moment de la disparition de l’imam Moussa Sadr et de ses compagnons. »
L’organisation Human Rights Watch a qualifié sa détention d’« arrestation politique » et a maintes fois dénoncé son incarcération à Beyrouth, appelant les autorités libanaises à le libérer, d’autant plus qu’il est détenu depuis dix ans pour le seul crime de « dissimulation d’informations ». Pourtant, des déclarations du ministère libyen de la Justice avaient laissé entendre qu’il serait libéré – une information démentie par son avocat, Charbel Khoury, qui a affirmé :« La nouvelle de la libération de Hannibal Kadhafi est inexacte. »Il s’est dit surpris par la diffusion de telles informations sans confirmation officielle, précisant que la ministre libyenne de la Justice du gouvernement d’union nationale à Tripoli Halima Abderrahmane avait récemment contacté son homologue libanais. Les deux parties se sont accordées sur une coopération concernant les dossiers de la disparition de l’imam Moussa Sadr et de l’arrestation de Kadhafi, afin de trouver une issue à ces deux affaires.
Khoury a également indiqué que des démarches avaient été entreprises ces deux dernières années, notamment auprès d’organisations internationales des droits de l’homme, ainsi que par le dépôt de plusieurs mémoires juridiques prouvant l’innocence de Kadhafi. Des demandes répétées de libération sous caution ont toutefois été rejetées.
Les autorités libyennes réclament à nouveau l’extradition de Hannibal : que veut la nouvelle Libye ? Et quelle différence entre Abdelhakim Belhaj et Al-Sedig Al-Sour ?
Des sources judiciaires libanaises ont révélé qu’à la fin du mois de mai 2025, elles avaient reçu une correspondance officielle du procureur général libyen Al-Sadiq Al-Sour, adressée au président du Conseil judiciaire libanais, le juge Suhail Abboud, au procureur général militaire, le juge Jamal El-Hajjar, et au juge d’instruction militaire Zaher Hammadeh.
Dans cette lettre, Al-Sour exige la libération immédiate de Hannibal Kadhafi, son extradition vers la Libye, son transfert vers un pays tiers ou son retour en Syrie, son pays d’asile. Il tient les autorités libanaises pour responsables des informations faisant état d’une détérioration de son état de santé.
Cette missive a déçu la partie libanaise, car elle intervient après des progrès tangibles dans l’enquête menée par la justice libyenne en coopération avec Hassan Chami, président du comité de suivi du dossier Sadr. Ce dernier a affirmé que Hannibal Kadhafi avait déclaré être prêt à fournir les informations demandées après sa libération et son départ du Liban – une preuve, selon Chami, qu’il détient bel et bien des éléments cruciaux dans cette affaire.
« Le système judiciaire libanais ne se discrédite-t-il pas lui-même en maintenant un homme en détention depuis dix ans sans que cela n’ait permis d’obtenir la moindre information utile à l’enquête ? », s’interrogent des observateurs.
Un dossier instrumentalisé ?
Certains analystes estiment que des parties prenantes cherchent à instrumentaliser la détention de Hannibal Kadhafi à des fins politiques. Les espoirs reposent désormais sur le juge d’instruction militaire Zaher Hammadeh, dont on attend intégrité et transparence.
Pendant ce temps, Hannibal, incarcéré depuis dix ans à l’âge de 40 ans, vit derrière les barreaux. Il n’a aucun lien avec les agissements tyranniques de son père, et n’avait que deux ans au moment de la disparition de Sadr et de ses compagnons. Des rumeurs font même état de tentatives de le pousser au suicide…
Le Liban sous pression
La question se pose : le Liban, sous la présidence de Joseph Aoun, assistera-t-il à une intervention personnelle du chef de l’État pour obtenir la libération de Kadhafi ?
Quels sont les obstacles qui entravent sa libération ? (Difficulté de retirer le dossier transféré par décret gouvernemental au Conseil judiciaire ?)
De nombreux observateurs estiment que la détention de Kadhafi était avant tout un acte politique et un coup des services secrets de l’ancien régime syrien. La solution pourrait venir des canaux politiques ouverts entre Beyrouth et Damas, d’autant que sa détention prolongée ne sert en rien l’enquête principale, mais relève plutôt de la logique des milices en temps de guerre – une logique qui sape l’indépendance et l’intégrité de l’institution judiciaire. Il serait peut-être temps d’envisager une collaboration judiciaire commune, où chaque partie contribuerait à la recherche de la vérité, tout en laissant au juge d’instruction libanais une pleine liberté pour relancer la coopération avec la justice libyenne. Une idée doit prévaloir : la justice reste l’objectif suprême que tous doivent poursuivre.
[1] https://icibeyrouth.com/articles/1302465/moussa-sadr-une-vision-de-patria-libanaise-opposee-a-l-oumma-du-hezbollah
[2] https://www.lesclesdumoyenorient.com/Amal-mouvement-chiite-libanais.html
[3] https://libyaobserver.ly/news/who-mansour-al-kikhia
[4] https://security-legislation.ly/latest-laws/constitutional-declaration-of-1969/
[5] https://www.lp.gov.lb/backoffice/uploads/files/CV%20President%20%20Berry%20En(2).pdf