Le journaliste et spécialiste des mouvements islamiques, Badih Karhani, a déclaré dans une interview à « Hona Loubnan - ici liban» que la crainte aujourd’hui réside désormais dans les menaces contre le président syrien Ahmad Charâa qui joue un rôle de pacificateur dans la région et qui effecue son premier voyage en Europe en étant reçu à Paris ce mercredi par Emmanuel Macron, encouragé dans ce rôle de médiateur par ses interlocuteurs privilégiés que sont les Séoudiens et le Émiratis.
Plus de dix protagonistes, entre États et milices, étaient présents depuis de longues années sur le sol syrien: l’armée syrienne, les Pasdarans iraniens, le Hezbollah, la Russie, les armées turques et américaine dans le nord-ouest du pays, les Kurdes de la Rojava, les forces démocratiques syriennes (FDS) du commandant Mazloum Abdi, un ancien du PKK kurde protégé par les américains, Hayat tahrir Al Sham HTC de Ahmed Al Charaâ connu sous le nom de guerre Mohamed Al Joulani qui a déclenché l’offensive à partir de son émirat d’Idleb, et d’autres groupes liés à Daesh dans le ouest du pays à la frontière avec l’Irak.
Or la carte politique qui existait avant la chute du régime du clan Assad est totalement recomposée. La nouvelle configuration, bien qu’ embryonnaire, fait apparaitre Al Joulani, ancien chef de Jabhat Ennosra affilé à Al Quaida de Aymen Al Zaouahiri, classé par les Américains parmi les groupes terroristes les plus dangereux, comme l’homme d’une hypothétique unité nationale
Le président syrien Ahmad al-Chareh est arrivé à Paris ce mercredi, il a été reçu par le président français Emmanuel Macron, pour une première visite controversée en Occident, et lui demandera, à cette occasion, de châtier les responsables d’«exactions» qui ternissent l’image de la coalition islamiste au pouvoir depuis la chute de Bachar el-Assad en décembre.
Suite aux événements récents qui ont mis en cause la stabilité en Syrie, que ce soit sur la côte syrienne ou dans le sud du pats face aux factions druzes, le tout sur fond des frappes israéliennes à l’intérieur du pays, les discussions se sont intensifiées sur l’avenir du régime actuel. Les interrogations se multiplient sur les véritables intentions du président Ahmad Charâ, qui a réussi en peu de temps à établir des relations solides avec plusieurs pays arabes.
Le président français est vivement critiqué par la droite et l’extrême droite françaises pour l’invitation faite à cet homme au passé jihadiste, qu’il reçoit dans l’après-midi à l’Elysée avant une rare conférence de presse conjointe.
Controverses franco-françaises
«Stupeur et consternation», a réagi la leader du Rassemblement national Marine Le Pen, décrivant le président syrien comme «un jihadiste passé par Daech et Al-Qaïda». «Une lourde erreur», a renchéri le chef des députés Les Républicains Laurent Wauquiez.
Des massacres qui ont fait 1.700 morts, majoritairement alaouites, dans l’ouest du pays en mars, de récents combats avec des druzes, et des sévices documentés par des ONG ont soulevé des doutes sur la capacité des nouvelles autorités à contrôler certains combattants extrémistes qui leur sont affiliés.
En le recevant, Emmanuel Macron espère contribuer à accompagner dans la bonne voie la transition vers «une Syrie libre, stable, souveraine et respectueuse de toutes les composantes de la société syrienne», a dit mardi l’Elysée à l’AFP.
Mais la présidence française a balayé toute «naïveté», assurant connaître «le passé» de certains dirigeants syriens et exiger qu’il n’y ait «pas de complaisance» avec les «mouvements terroristes».
Le chef de l’État demandera donc à son invité «de faire en sorte que la lutte contre l’impunité soit une réalité» et que «les responsables d’exactions contre les civils» soient «jugés», a ajouté son entourage lors d’un échange avec la presse.«Notre demande, c’est celle d’une protection de tous les civils, quelle que soit leur origine et quelle que soit leur religion», a-t-on insisté de même source.
Al-Charäa, rempart contre l’extrémisme
Expert libanais résidant à Tripoli (Liban), Badih Karhani explique que la véritable menace ne vient pas d’Israël, mais des groupes extrémistes qui, à l’intérieur de la Syrie, portent une idéologie takfirie (excluant les autres musulmans). Depuis son arrivée au pouvoir, Charâa a adopté un discours modéré et entrepris plusieurs mesures pour protéger les institutions de l’État.
Le président de l’autorité syrienne a également adressé des messages positifs à plusieurs pays, y compris Israël, ce qu’a confirmé son ministre des Affaires étrangères en affirmant que la Syrie ne souhaite pas être utilisée comme plateforme d’agression contre quelque pays que ce soit, y compris Israël. Karhani a précisé que ce type de discours provoque les groupes extrémistes qui conservent encore une certaine puissance en Syrie. Par ailleurs, il a souligné l’existence d’un soutien arabe à Charâ venu notamment de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis.
Cependant, la menace interne provient des groupes incontrôlés qui restent fortement présents et très extrémistes, rejetant non seulement les chiites, druzes et chrétiens, mais aussi les sunnites modérés. Selon Badih Karhani, il est aujourd’hui nécessaire d’encourager le soutien des régimes arabes à Ahmad Charâ pour le protéger. « Des informations indiquent que sans l’intervention personnelle d’Ahmad Charâ et lsans es efforts des forces de sécurité syriennes pour contrôler la situation sur la côte, estimet-il, les massacres y auraient été bien plus atroces ».
Karhani s’est étonné des attaques israéliennes contre le régime de Charâ, alors que ce dernier a éliminé plusieurs groupes, notamment iraniens, qui représentaient une menace pour la sécurité d’Israël et a coupé les lignes de ravitaillement iraniennes.
745 civils alaouites fidèles au clan Assad massacrés par les forces syriennes