De la friture sur la ligne entre le Sénégal et le FMI

Depuis 11 mois, le Sénégal attend en vain un décaissement d’environ 350 millions d’euros (230 milliards FCFA) du Fonds monétaire international. Un retard dû en partie par des irrégularités notées dans les comptes publics avec une dette qui a explosé à 99%. Devant cette situation, le premier ministre Ousmane Sonko considère que « trop d’importance est accordée à cette institution de Bretton Woods », alors qu’il faut compter sur ses propres ressources pour le développement endogé et la souveraineté. 

Ibrahima Dieng

À l’issue d’une mission tenue du 24 mars au 9 avril 2025 à Abidjan, les services du FMI et les autorités ivoiriennes ont conclu un accord au niveau technique sur la quatrième revue du programme de réformes soutenu par la Facilité élargie de crédit (FEC) et le Mécanisme élargi de crédit (MEC), ainsi que sur la troisième revue du programme climatique appuyé par la Facilité pour la résilience et la durabilité (FSR). Avec cet accord, ce pays attend deux nouveaux décaissements d’un montant cumulé de 740 millions de dollars, qui devront être validés prochainement par le Conseil d’administration du FMI.

Si la Côte d’Ivoire, première puissance de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), entrevoit un décaissement, c’est loin d’être le cas pour le Sénégal. En effet, depuis un an, le pays attend en vain des fonds de cette institution de Bretton Woods. Au mois de juin 2024, 230 milliards FCFA était attendu par le pays pour renflouer dans un contexte de déficit budgétaire élevé à 11%. « A l’issue de l’examen du Conseil d’administration du Fonds monétaire international (FMI), prévu en juillet, le Sénégal aura accès à 230 milliards de FCFA, si tout se passe bien », avait annoncé en conférence de presse, le chef de la mission du FMI au Sénégal, M. Gemayel, lors d’une réunion le mercredi 19 juin 2024 au ministère des Finances et du Budget.

Aujourd’hui près d’un an après, le constat est que malgré quatre réunions tenue entre les deux parties entre Washington et Dakar, les choses n’ont pas bougé, l’enveloppe attendue n’a pas été décaissée. Ce qui est sûr, est que le Sénégal a urgemment besoin de ces fonds. Car il y a quelques semaines, le président de la République Bassirou Diomaye Faye alertait sur une situation financière morose. « Nous sommes un État contraint dont les marges de manœuvre budgétaire et financière n’existent quasiment plus, une Administration républicaine, mais manquant de cohérence et figée dans des schémas dépassés, alors même que les réalités socio-économiques évoluent rapidement, marquées notamment par la transformation numérique et l’essor de l’intelligence artificielle », a regretté le président. 

Des irrégularités sur les comptes publics 

Au Sénégal, les nouvelles autorités ne cessent de dénoncer la gouvernance de l’ancien président de la République Macky Sall. Elle est caractérisée par le premier ministre Ousmane Sonko comme une catastrophe avec des chiffres masqués, « des détournements de deniers publics et des dettes cachées ». Dans son rapport publié en février, la Cour des Comptes estime que le taux d’endettement est de 99,67%, dépassant largement le ratio communautaire qui est de 70%. Le déficit budgétaire, lui, est estimé à 12% entre 2019 et 2023.

Devant cette situation, le Fonds monétaire international n’entend pas sortir un centime sans des mesures correctives et un retour à une situation normale. Ainsi, la première étape dans les semaines selon le chef de mission du FMI, Gemayel Edwards, c’est de pouvoir déterminer ce qui s’est passé, comment ça s’est passé et quelles sont les mesures que les autorités vont prendre afin d’éviter ceci, de se répéter dans le futur. « Une fois que nous avons tout ceci, nous allons présenter, soumettre un dossier au conseil d’administration du FMI.

Le Conseil a deux choix soit il va donner une dérogation aux autorités, une dérogation de ne pas rembourser le FMI, des décaissements qui ont eu lieu dans le passé sur la base de données erronées, en contrepartie de mesures correctrices. Et le deuxième choix, c’est de demander au Sénégal de rembourser le FMI sur ce qui a été décaissé sur base de fausses données », a clairement dit le représentant du FMI Toutefois, il considère que c’est une décision que le conseil d’administration éventuellement devrait prendre dans les semaines à venir.   

Le FMI surestimé pour Ousmane Sonko. 

Présent à l’Assemblée nationale, le lundi 14 avril 2025, le premier ministre du Sénégal, Ousmane Sonko n’a pas manqué d’aborder les relations avec le Fonds monétaire international dans un contexte où la polémique enfle sur l’absence de décaissement. Le Chef du Gouvernement estime que les gens Nous accorde  au FMI une importance qu’il na pas. « Quand le FMI devait dépêcher une mission à Dakar, c’est comme si le ciel tombait. Je pense que nous lui accordons une importance qu’il n’a pas. Il n’est qu’un partenaire. Nous ne quémandons pas et nous remboursons nos dettes à l’égard du FMI. Et Nous n’avons de leçon à prendre de qui que ce soit », a déclaré Ousmane Sonko devant les députés.  Bien avant cette mise au point, le même avait souligné  transparence.

« Le président de la République Bassirou Diomaye Faye a refusé de démarrer sa gouvernance par des mensonges. Car les chiffres des finances publiques sont erronées et maquillées. Nous ne voulons pas commettre d’erreurs qui peuvent nous rattraper et aller à l’encontre des intérêts des populations. C’est notre choix car nous tenons à la transparence, à un endettement efficient et à une gestion rigoureuses », a expliqué le premier ministre Ousmane Sonko.

À l’en croire, c’est ainsi qu’une délégation conduite par le ministre des Finances et du Budget a été envoyée pour tenir un langage de vérité au FMI.

 

 

Compter sur soi-même 

 

Pour Ousmane Sonko, l’urgence est de compter sur soi-même au lieu d’attendre le FMI ou les autres partenaires. À ses yeux, le potentiel est important surtout si les ressources naturelles sont renégociées. « Nous travaillons à maximiser les retombées de nos ressources naturelles par une renégociation des contrats. Nous avons de l’or du phosphate, du pétrole et du gaz mais nous ne profitons pas assez de ces richesses », estime le Chef du Gouvernement du Sénégal. L’autre option selon est une meilleure citoyenneté fiscale. « Nous misons sur la souveraineté et ça a un prix . Les Sénégalais doivent se familiariser avec l’impôt afin d’élargir la base des investisseurs avec des taux acceptables », considère Ousmane. À côté, l’État du Sénégal compte mettre fin aux exonérations fiscales car les gouvernants considèrent que les multinationales « pompent les ressources sans payer normalement des impôts ».