Pour les spécialistes du Moyen Orient à Mondafrique, le Moyen Orient est plus que jamais une boite noire où les rapports de force sont fluctuants et imprévisibles. La décision prise par Trump de bombarder les Houthis risque fort peu de briser les capacités militaires de ce mouvement yéménite chiite radical, analyse le Wall Street Journal, tandis que les juifs ultraorthodoxes, d’après le New York Times, rechignent à accepter les ordres de conscription dans l’armée israélienne;
Pour le reste, les Palestiniens ont l’impression d’être « parqués comme des moutons », raconte le quotidien britannique « The Guardian ».
L’incroyable résistance des Houthis
Dans un article paru le dimanche 16 mars qui revient sur les bombardements aériens contre le groupe islamiste pro iranien annoncés la veille par le président américain, le’WSJ » doute que Trump pourra réussir là ou d’autres ont échoué, ce mouvement ayant victorieusement résisté aux attaques régulièrement lancées par les Saoudiens et les Israéliens, des frappes approuvés par les Etats-Unis au temps de la présidence Biden.
Mais cette énième tentative de rétablir un droit de circulation maritime mis à mal par les Houthis dans le détroit de Bab el Mandeb (qui relie la mer rouge au golfe d’Aden) et de protéger Israël contre les missiles yéménites, est peut-être vouée à l’échec : « L’idée selon laquelle cette vague massive de frappes aériennes – [les premières de l’administration Trump depuis le retour de ce dernier à la Maison Blanche]va faire plier les Houthis est absurde « , affirme l’expert du moyen orient Mohammed al-Basha, fondateur d’une société de conseil en géopolitique ; « Les Houthis vont répliquer et répliquer sévèrement, cela va être un cercle vicieux «.
Le Wall Street Journal rappelle que les responsables américains ont déclaré que « les frappes de samedi ont pour but de rouvrir les voies de navigation et serviront d’avertissement à l’Iran, qui soutient les Houthis ». Mais ces derniers, ajoute le quotidien new yorkais, « ont relevé le défi des frappes [américaines et israéliennes] et exprimé leur soutien aux Palestiniens, gagnant ainsi en popularité dans le monde arabe, ce qui leur a permis de se présenter aux yeux de tous comme un acteur international, ainsi que l’a démontré leur capacité à se mesurer aux armées les plus puissantes de la planète «.
L’expert al-Basha ajoute par ailleurs que les frappes américaines, « puisqu’elles marquent un niveau d’intensité nouvelle dans ce conflit » pourraient bien provoquer non seulement « une réplique des Houthis contre Israël et les paquebots croisant dans la région mais aussi contre les bases américaines de Djibouti et des Emirats arabes unis ». D’autre part, prévient-il, les « Houthis reprendront aussi probablement leurs attaques sur l’Arabie Saoudite, une manière indirecte de faire pression sur Washington ». Bref, le dernier (et premier coup de menton) du président Trump pourrait s’avérer de n’être qu’une bataille perdue d’avance dans Orient un peu trop compliqué pour celui qui a des idées un peu trop simples…
Ces juifs orthodoxes qui boudent l’armée
Le New York Times revient sur la distorsion avérée entre la décision de la Cour suprême de l’état hébreu, qui « a annoncé, l’été dernier, que les ultra orthodoxes ne seraient plus exempts de service militaire », et le fait que « seulement 338 jeunes de la secte des’Haredim’ont rejoint les rangs de’tsahal’sur la dizaine de milliers appelés à servir sous les drapeaux ». Israël fait ainsi « face au pire et au plus fondamendal des dilemmes », écrit le New York Times : « sa secte religieuse qui croit le plus vite refuse de servir dans l’armée ».
Les reporters du « NYT » ont pris la peine de passer six mois avec des jeunes appelés haredim, – une secte de la branche du judaïsme orthodoxe dont la vie est régie par des textes religieux et des normes sociales strictes-, une longue enquête qui a donné lieu à la publication d’un article grand format illustré de nombreuses photos prises « en situation » : ils ont ainsi suivi trois jeunes dont les propos et les attitudes illustrent le « dilemme » de’tsahal’ :
le premier, Chaim Krausz, 19 ans, étudie la Torah 14 heures par jour et a refusé de se plier aux injonctions de la Cour, « estimant que servir dans l’armée est non seulement un péché mais aussi une menace contre les traditions ultra orthodoxes ».
Le deuxième, Itamar Greenberg, 18 ans, refuse lui aussi d’obéir mais, relève le papier du New York Times, « ses raisons ne sont pas religieuses » : le jeune homme estime que « l’’État israélien est en train de commettre un massacre à Gaza »…
Yechiel Wais, 19 ans, est le troisième personnage du trio suivi par les journalistes et les photographes du grand quotidien de gauche de la côte est : lui aussi a étudié dans une « yeshiva », une école religieuse, mais cela faisait longtemps, à la différence de ses autres camarades, qu’il rêvait de se confronter au monde extérieur. Il a ainsi répondu présent à l’appel des militaires, estimant que même si servir dans l’armée « n’est pas forcément un ticket d’entrée dans la société israélienne, cette décision est le premier pas pour y accéder ».
Si l’on en croit les chiffres cités plus haut, démontrant amplement que l’immense majorité des Haredim refuse d’aller se battre aux côtés de l’armée d’Israël, la position de Yechiel Wais est donc sans aucun doute ultra-minoritaire… Ce reportage du NYT offre en tous les cas une plongée inédite dans une société israélienne dont parlent peu les journaux français, noyés sous la masse d’informations sur la guerre à Gaza et la libération des otages ; et qui permet de donner un coup de projecteur original sur les tiraillements internes à la société israélienne, restée peut-être moins homogène qu’on ne le croit dans ses réactions depuis le 7 octobre 2023.
900 postes de contrôle israélien en Cisjordanie, 300 de plus qu’en 2023
« Le nombre croissant d’un réseau de barrages est en train de priver d’accès aux accès routiers les plus importants les communautés palestiniennes de la Cisjordanie », une situation « qui a des conséquences sur les activités professionnelles, l’éducation des enfants et la distribution de l’aide internationale« , estime ke quotidien de gauche britannique « The Guardian » avant de poursuivre: « depuis le cessez-le-feu entre Israël et le Hamas qui a pris effet en janvier, la vie des 2,9 millions Palestiniens de Cisjordanie, n’est pas devenue plus facile : Israël a immédiatement lancé une sanglante offensive dans le Nord, qui a provoqué la fuite de 40 000 personnes, le déplacement forcé le plus important depuis qu’Israël a occupé la région en 1967, offensive qui a tué des dizaines de personnes, dont des enfants ».Et le « Guardian » de rappeler qu’il y a désormais quelque « 900 points de contrôles et barrages en Cisjordanie, selon les chiffres de l’Autorité palestinienne, tandis que les Nations Unies ont calculé qu’il y en avait 800, ce qui représente une forte augmentation depuis 2023 » –date à laquelle lesIsraéliens en avaient déjà installé 645.
Le Liban veut se débarrasser du Hezbollah? il doit régler le problème de ses frontières avec Israël
« Le récent changement de leadership à Beyrouth a ouvert une nouvelle voie vers un désarmement » du « Parti de Dieu » , affirme Haaretz ; mais cette ouverture est conditionnée à la capacité libanaise de prouver que le pays du cèdre peut « se charger de la défense de sa propre souveraineté ». Et le moins que l’on puisse dire, prévient le quotidien de la gauche israélienne, c’est que les conditions pour un tel objectif sont loin d’être réunies…
Dans une analyse signée de son spécialiste de la géopolitique moyen-orientale Zvi Bar’el, Haaretz rappelle en effet deux obstacles qui augurent mal d’un règlement de la question des frontières entre le Liban et Israël – et, partant, d’un désarmement du Hezbollah :
D’un côté, « le ministre de l’information libanais, Paul Morcos, a écarté toute perspective de normaliser les relations avec Israël alors que des négociations indirectes sur les questions frontalières sont en cours ». Ces pourparlers, « cruciaux pour assurer une reprise de l’économie et un retour à une stabilité politique du Liban, font cependant face aux difficultés constituées par le refus israélien de faire des concessions territoriales et la persistance d’une forte influence du Hezbollah ».
Ainsi, continue l’analyste, « tandis que le nouveau gouvernement libanais cherche à affirmer sa souveraineté et se conformer à la résolution 1701 de l’ONU – qui prévoit un désarmement du Hezbollah et un déploiement de l’armée libanaise sur la frontière-, tout cela reste conditionné à l’acceptation par Israël d’évacuer non seulement les territoires qu’elle contrôle en territoire libanais mais de se retirer également des zones [disputées entre le Liban et l’État hébreu], situées en Israël, et que celle-ci occupe depuis 1948 »…
Or, poursuit Haaretz, « une telle décision requiert soit un référendum national ou une majorité de voix à la Knesset [le parlement israélien] ». Et quand l’on sait, conclut le journal, qu’une délimitation de ces mêmes frontières n’a « pas été réglée après le retrait israélien du Sud-Liban, en 2000, » car la querelle territoriale remonte « à l’accord Paulet-Newcombe de 1923 » que les Français et les Britanniques avaient ratifié pour séparer les territoires de leurs mandats respectifs au temps de leur contrôle sur le Levant… Et Haaretz de rappeler que depuis des années, « le Hezbollah a utilisé l’absence de frontière reconnue internationalement pour justifier le recours à la force contre Israël pour », selon les termes du « Parti de Dieu’ « libérer le Liban de l’occupation israélienne »…