La formation du gouvernement libanais dirigé par le Premier ministre désigné Nawaf Salam est aujourd’hui à un point de blocage critique, essentiellement sous l’effet de l’intransigeance du binôme chiite Hezbollah-Amal. Alors que Salam tente d’assembler une équipe dite « réformiste et fonctionnelle », il se heurte aux pressions, aux menaces et aux blocages d’un Hezbollah cherchant à nouveau à imposer son hégémonie. sur le pouvoir libanais.
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L’une des pierres d’achoppement majeures dans la formation du cabinet concerne la nomination du cinquième ministre chiite. Nawaf Salam avait initialement proposé un nom qui a été fermement rejeté par Nabih Berri, le président chiite du Parlement libanais, prolongeant ainsi les négociations. Plus encore, Salam a commis une erreur stratégique en consultant Berri sur les quatre ministres chiites déjà acquis, ce qui a renforcé le pouvoir de blocage du binôme chiite.
La tactique du Hezbollah et de son allié Amal, le mouvement présidé par Nabih Berri, repose sur une logique bien huilée : instaurer un pouvoir de blocage en instrumentalisant le principe de la « charte nationale », un prétexte pour paralyser toute prise de décision si les conditions de la formation du gouvernement ne servent pas leurs intérêts.
Nawaf Salam dans l’impasse
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La position du Premier ministre désigné est d’autant plus périlleuse que le soutien international est conditionné à l’absence d’une influence du Hezbollah au sein du gouvernement. Lors de sa visite au Liban, l’envoyée américaine Morgan Ortagus a été on ne peut plus claire : le Hezbollah ne devrait pas faire partie du cabinet et tout gouvernement qui lui accorderait une place importante se verrait isolé de la scène internationale. Elle a réitéré le soutien de Washington à un gouvernement réformiste et a souligné la défaite du Hezbollah, remerciant au passage Israël pour sa « contribution » à ce recul.
Les propos d’Ortagus ont suscité de vives réactions au Liban. La présidence a pris ses distances, affirmant dans un communiqué diffusé par son porte-parole que : « Certains de ses propos n’engageaient qu’elle et non pas la présidence ».
En parallèle, des partisans du Hezbollah ont appelé à bloquer les routes autour de l’aéroport de Beyrouth. Ces provocations sont symptomatiques d’une mécanique usée mais toujours efficace pour le Hezbollah : transformer chaque tentative de réforme en confrontation directe.
Un Liban figé face à une Syrie en mutation
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L’intransigeance du binôme chiite contraste fortement avec la dynamique actuelle en Syrie. Ahmad El Charah, l’ancien daeshiste devenu figure de la restructuration post-Assad, semble à mille lieues de la paralysie libanaise. Il mène une politique de reconstruction rapide, faisant table rase de l’ancien régime et cherchant à réintégrer la Syrie dans le nouvel ordre régional. En témoigne sa récente visite chez le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, une rencontre stratégique pour assurer le soutien nécessaire à la reconstruction.
Pendant ce temps, le Liban reste englué dans l’immobilisme, où chaque avancée politique est bloquée par des calculs confessionnels étriqués. Le contraste entre la Syrie, qui tente de se relever d’un demi-siècle de dictature, et le Liban, qui refuse de se libérer de ses fardeaux historiques, est flagrant.
Une escalade militaire en toile de fond
Comme si la pression politique ne suffisait pas, la situation militaire s’envenime également. Dans la nuit du 6 février, l’armée israélienne a frappé plusieurs positions du Hezbollah au Liban, ciblant des infrastructures militaires dans le sud et l’est du pays.
Parallèlement, un nouveau front s’ouvre à la frontière syro-libanaise. L’armée syrienne a intensifié ses frappes contre les positions du Hezbollah. Des soldats syriens ont forcé l’entrée d’un village contrôlé par le Hezbollah et pris en otage plusieurs hommes, aggravant davantage les tensions.
Alors que le nouveau pouvoir syrien cherche à redéfinir la Syrie sur la scène internationale, le Hezbollah s’accroche à des stratégies qui le marginalisent de plus en plus.
Le pari raté du président et du Premier ministre ?
Face à ces tensions multiples, une question demeure : le président fraîchement élu et le Premier ministre désigné Nawaf Salam seront-ils à la hauteur des accords conclus avec Israël et de la feuille de route réformiste attendue par la communauté internationale ?
Tout semble indiquer que non. La capacité de bloquer toute avancée reste entre les mains du Hezbollah et d’Amal, rendant toute tentative de gouvernance quasiment impossible. Aux dernières nouvelles, un nom pour le cinquième ministre aurait circulé, mais ce dernier se serait excusé. Les deux présidents seraient actuellement à la recherche d’un nouveau candidat pour ce poste clé. Salam a quitté le palais présidentiel de Baabda après s’être réuni avec le président Aoun, possiblement avec Nabih Berri en ligne, sans faire de déclaration à la presse, signe de l’impasse persistante.
Entre-temps, le Hezbollah maintient la pression dans la rue, notamment sur les routes menant à l’aéroport de Beyrouth, renforçant le sentiment d’impasse politique.
Encadré, la France en retrait sur le role du Hezbollah
Cependant, selon le média Ici Beyrouth, le ministère français des Affaires étrangères et de l’Europe a affirmé qu’il avait « pleinement confiance dans la capacité des autorités libanaises à former un gouvernement représentatif de l’ensemble des Libanais ». Cette déclaration a été faite vendredi par le chef du Quai d’Orsay, Jean-Noël Barrot, en réponse à une question lors d’un point presse. « Le président désigné, Nawaf Salam, trouvera un moyen de sortir de cette impasse », a-t-il poursuivi.
Ces propos, plus modérés que ceux de Washington, surviennent à la suite de la déclaration de Morgan Ortagus, adjointe de l’envoyé spécial américain pour le Moyen-Orient, prononcée depuis le palais présidentiel de Baabda, selon laquelle le Hezbollah ne devrait pas participer au prochain gouvernement libanais.