Un principe de la solidarité internationale et de l’équilibre de notre monde se trouve désormais menacée par la montée des populismes en Europe et l’arrivée de Donald Trump à la maison blanche. Pour des raisons éthiques, mais pas seulement, nous avons le devoir absolu de nous mobiliser pour défendre l’aide publique au développement (APD).
L’éditorial de Seidik Abba, Rédacteur en chef de Mondafrique
Si l’issue demeure incertaine, les velléités de dissoudre l’USAID (l’agence américaine d’aide à l’étranger) en disent long sur la volonté de la nouvelle administration américaine de reconsidérer voire supprimer l’aide publique des Etats-Unis au reste du monde. Après la suspension de cette aide pour 90 jours, plusieurs programmes de soutien, en Afrique notamment, aux secteurs de l’éducation, de la justice, de la santé, de la démocratie se trouvent désormais compromis.
Repli sur soi et montée des populismes
Mais les Etats-Unis de Trump ne sont pas les seuls à céder à la tentation de donner des coups de canif à l’aide publique au développement. En France, face à la crise des finances publiques, le gouvernement a cédé à la facilité de sabrer dans l’APD alors même que ni la France ni les Etats-Unis n’ont atteint le seuil fatidique, défini par les Nations unies, de consentir 0,7% de leur Produit intérieur brut (PIB) à l’APD. La montée des populismes en Europe, dont le paradigme est le repli sur soi, pourrait entraîner d’autres pays à emprunter le chemin de réduire drastiquement leurs efforts en matière d’APD. Et pourtant, comme le montrent les pays nordiques (Danemark, Suède, Norvège), qui ont largement dépassé le seuil de 0,7%,, il n’y pas de fatalité en la matière.
Responsabilité éthique
Réduire l’APD comme s’y est engagée la France, à fortiori la supprimer comme sont tentés les Etats-Unis, n’est pas simplement une erreur d’appréciation. C’est une faute lourde. Loin des clichés, l’APD n’est pas une charité. C’est une responsabilité éthique qui ne confère ni droit d’arrogance, ni commisération de ceux qui donnent envers ceux qui reçoivent. L’APD fait partie de l’obligation de solidarité que nous impose notre monde. Elle contribue à compenser les inégalités et même les injustices et la prédation qui forment l’ADN des relations internationales. Les Etats aident parce qu’ils ont été aidés ; ils aident parce qu’ils peuvent être aidés. Nul ne sait en effet de quoi demain sera fait.
Construire un nouveau paradigme
Le vibrant plaider en faveur de l’APD ne dispense pas toutefois de l’appréciation critique et objective de son efficacité. Dans sa forme actuelle, l’aide publique n’a pas toujours eu l’efficacité qu’elle aurait pu avoir. Elle a été très souvent dispersée, mal gérée et inadaptée aux contextes d’intervention. Il faut donc sortir du schéma actuel pour construire un nouveau paradigme qui suppose qu’il y ait de nouveaux contributeurs de l’aide publique au développement. Pourquoi ne peut pas envisager que les monarchies du Golfe, les pays émergents du Sud global tels que l’Afrique du Sud, l’Inde, le Brésil soient des contributeurs de l’APD autant que les pays du Nord ?
Face aux inégalités mondiales qui se creusent, nous avons le devoir suprême de maintenir l’APD et de la porter à son plus niveau le plus haut, mais aussi la responsabilité de la réformer afin que l’aide ne crée pas la dépendance et qu’elle permette de se passer un jour de l’aide.