A couteaux tirés depuis quelques temps, le président tchadien et son opposant le plus farouche Succès Masra, ex Premier ministre, sont sur le point de recommencer à travailler ensemble. Comment et sur quelles bases ?
Par Mahamat Ali Bachir
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C’est un retournement de situation que peu d’observateurs ont vu venir : le président tchadien Mahamat Deby et son opposant le plus virulent Succès Masra, chef du parti les Transformateurs ont fini par enterrer la hache de guerre. A en juger par leurs déclarations respectives récentes, les deux hommes pourraient être amenés à faire à nouveau équipe très rapidement.
Le Sénat en vue
Selon des sources tchadiennes, le principe de la nouvelle collaboration entre le chef de l’Etat tchadien et le leader des Transformateurs a déjà été acté. Reste maintenant à trouver un point de chute à l’ancien PM dans le système actuel. Une équation d’autant plus difficile que l’hypothèse d’un retour de Masra à son ancien poste de chef du gouvernement n’a pas prospéré. Le Premier ministre sortant l’ambassadeur Allah Maye Halina a été reconduit hier mardi 4 février 2025 dans ses fonctions. Mahamat Deby se serait en effet mis à dos une bonne partie de son propre camp, s’il avait confié à nouveau les clés de la primature à son opposant. Le leader des Transformateurs ne peut pas non plus atterrir à l’Assemblée nationale, son parti ayant boycotté les dernières législatives de décembre 2024 et toutes les autres élections qui ont suivi. Il reste une dernière carte entre les mains de Mahamat Deby : celle de nommer Succès Masra au Sénat. En effet, la loi tchadienne donne au président de la république le pouvoir de nommer un tiers des sénateurs tandis que les deux autres tiers seront élus le 25 février 2025 par les conseillers régionaux et municipaux. Dans l’hypothèse de sa nomination au Sénat par celui qu’il avait farouchement combattu, Succès Masra pourrait ensuite prendre la présidence du Sénat.
Quel avenir pour les Transformateurs ?
A la chambre basse du parlement tchadien ou ailleurs, il ne fait aucun doute que le deal entre les deux hommes politiques passera par l’attribution d’un maroquin au président des Transformateurs. Son horizon personnel se trouverait ainsi dégagé pour les cinq prochaines années. Mais, on ne pourra pas en dire autant de l’avenir de son parti.
Il est en en effet tout à envisageable que le ralliement inattendu et surprenant de celui qui, il n’y a guère longtemps, contestait jusqu’à la victoire de Mahamat Deby à la présidentielle de mai 2024 et refusait d’aller à toutes les autres élections suscite des remous dans sa formation politique. « Tout ça pour ça », dit-on déjà dans certains milieux tchadiens où on rappelle le lourd tribut payé par les militants des Transformateurs pour le positionnement de leur parti. Succès Masra aura donc besoin d’autres ressources plus convaincantes que ses qualités de tribun reconnu et ses formules choc pour persuader certains de ses partisans que l’unique choix qui restait était de rallier le même régime qu’il a combattu. Alors même que « le système » qu’il pourfendait n’a pas véritablement changé. « Le Tchad est au-dessus de nous tous », a-t-il tenté de se justifier. Cet argument sera-t-il suffisant ?
