Syrie, la progression foudroyante des rebelles vers Damas

Des Syriens voyagent à l’arrière d’un camion avec quelques affaires, dont une moto et un bidon d’eau, alors qu’ils fuient les combats dans la ville syrienne de Suran, entre Alep et Hama, le 3 décembre 2024. Après s’être emparés en quelques jours d’Alep, d’Idlib et de Homs, les rebelles menés par des islamistes radicaux se sont emparés la grande ville de Hama, dans le centre de la Syrie. La ville avait été le théâtre d’un massacre perpétré en 1982 par l’armée sous le règne du père du président Bachar al-Assad qui réprimait une insurrection des Frères musulmans.C’est aussi dans cette ville que se sont déroulées certaines des plus grandes manifestations au début du soulèvement prodémocratie de 2011, dont la répression a déclenché la guerre civile.

Notre video sur la conquête d’Alep par les islamistes

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré le vendredi 6 décembre que les groupes extrémistes “poursuivent vers Damas”.“Nous ne voulons pas que l’escalade se poursuive dans la région”, a déclaré le président turc. “ Nous avons tendu la main à Bachar el-Assad, mais il n’a pas répondu”, a-t-il ajouté.

Au cours des deux dernières années, Damas et Ankara ont discuté d’une normalisation potentielle des liens dans le cadre d’une initiative parrainée par la Russie.

Pourtant, le président Bachar el-Assad et le gouvernement syrien ont exigé à plusieurs reprises un engagement de la Turquie à retirer ses forces d’occupation de la Syrie et à mettre fin à son soutien à Hayat Tahrir al-Sham (HTS) et à l’Armée nationale syrienne (ANS) mandataire d’Ankara, les deux principales formations qui mènent l’assaut actuel contre la Syrie.

La Syrie, meurtri par la guerre civile qui a fait un demi-million de morts, est à présent morcelé en plusieurs zones d’influence, où les belligérants sont soutenus par différentes puissances étrangères, l’Iran et la Russie pour les forces gouvernementales, la Rurquie pour les rebelles.

En l’espace d’une semaine, et à la surprise générale, les rebelles se sont emparés d’une grande partie d’Alep, deuxième ville du pays, continuant sur leur lancée en s’emparant d’Hama, une ville stratégique pour le régime de Bachar al-Assad car sa protection est essentielle pour celle de la capitale Damas, située à environ 200 kilomètres plus au sud.

Les combats et les bombardements, qui ont fait 704 morts, dont 110 civils, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), sont les premiers de cette ampleur depuis 2020 en Syrie, où une guerre dévastatrice avait éclaté en 2011. Ils ont fait « de nombreuses victimes civiles », selon l’ONU. 

Les forces gouvernementales avaient lancé mardi « après minuit » une contre-offensive, appuyée par l’aviation, et envoyant de « grands convois militaires » vers Hama et ses environs, selon l’OSDH. Mercredi, des « combats féroces » opposaient l’armée, appuyée par des avions syriens et russes, aux rebelles dans le nord de la province de Hama, selon une source militaire citée par l’agence officielle Sana.

Fuite des civils

« Je suis les nouvelles jour et nuit, je ne lâche pas mon téléphone », a confié une étudiante de 22 ans, qui a quitté son université à Damas pour rejoindre sa famille à Hama quand l’offensive a commencé. Ces affrontements représentent un risque de « graves abus » à l’encontre des civils, s’est alarmé l’ONG Human Rights Watch, alors que les deux belligérants ont été accusés de violations des droits humains.

À Sourane, à une vingtaine de kilomètres au nord de la ville, des images de l’AFP ont montré des civils fuyant, entassés dans des camions et des remorques, pendant que des combattants rebelles, brandissant leurs armes, patrouillaient à bord de pick-up.

 

Plus de 110.000 déplacés

Le coordinateur humanitaire régional adjoint de l’ONU pour la Syrie, David Carden, a indiqué à l’AFP que plus de 115.000 personnes avaient été déplacées par une semaine de combats.

Les autorités kurdes qui contrôlent des régions du nord-est de la Syrie ont lancé mercredi un appel « urgent » à l’aide humanitaire face à l’arrivée d’un « grand nombre » de déplacés.

« Notre situation est très difficile. On est parti hier avec nos enfants, on est épuisés, les conditions sont très difficiles », a déclaré mercredi Abdo, un Kurde syrien qui a fui Alep pour la région de Tabqa, plus à l’est.

La Russie et l’Iran, les principaux alliés de Damas, ainsi que la Turquie, un soutien majeur des rebelles, sont en « contact étroit » pour stabiliser la situation, a annoncé mercredi la diplomatie russe.