Les  six formes du  crime économique organisé 

Une importante enquête sur plus de 150 pays  réalisées par d’éminents experts internationaux (juristes, économistes, politologues et experts militaires), parrainée par l’ONU  met  en relief que le montant du crime organisé varierait entre 2 et 5% du PIB mondial, estimé à 84.680 milliards en 2020 et  qui a du dépassé  les 100.000 milliards de dollars entre 2022/2023. 

Professeur des universités, expert international, docteur d’Etat  1974 en géostratégie Abderrahmane Mebtoul- directeur général des études économiques et haut magistrat  à la Cour des comptes

L’historien des mafias Isaia Sales a souligné que les organisations criminelles n’agissent pas en marge de nos sociétés mais qu’au contraire elles forment des structures de pouvoir qui se lient aux structures légales, ces organisations cherchant d’ailleurs à concurrencer l’État qu’elles gangrènent en offrant des alternatives à ses défaillances et adoptant, pour y parvenir, la violence et la corruption Une importante enquête sur plus de 150 pays réalisées par d’éminents experts internationaux (juristes, économistes, politologues et experts militaires), parrainée par l’ONU met en relief que le montant du crime organisé varierait entre 2 et 5% du PIB mondial, estimé à 84.680 milliards en 2020 et qui a du dépassé les 100.000 milliards de dollars entre 2022/2023.

 Premièrement, nous avons le  marché «noir» des armes et de leurs munitions, issu nécessairement du marché «blanc» lié souvent au trafic de drogues,  rappelons-le, chaque arme est fabriquée dans une usine légale, une thématique qui permet de comprendre les volontés de puissance des divers acteurs géopolitiques à travers le monde.  Tandis que le trafic de drogues est réprimé internationalement, le trafic d’armes est réglé par les Etats qui en font leurs bénéfices. La vente d’armes s’effectue régulièrement entre plusieurs partenaires privés et publics. Selon l’ONU, le trafic d’armes est l’une des quatre activités illégales les plus lucratives avec le trafic de drogues, le trafic de médicament et la prostitution. Le marché international du trafic d’armes est évalué à 1 200 milliards de dollars par an.  

Deuxièmement, nous avons la montée en puissance du trafic de drogue  où nous pouvons identifier les acteurs avec des implications géostratégiques où les narcotrafiquants créent de nouveaux marchés nationaux et régionaux pour acheminer leurs produits. Afin de sécuriser le transit de leurs marchandises, ces narcotrafiquants recourent à la protection que peuvent apporter, par leur parfaite connaissance du terrain, les groupes terroristes et les différentes dissidences, concourant ainsi à leur financement notamment dans la région du Sahel.  Selon l’ONU, les estimations  sont de 100 à 110 milliards de dollars pour l’héroïne, de 110 à 130 milliards de dollars pour la cocaïne, de 75 milliards de dollars pour le cannabis et de 60 milliards de dollars pour les drogues synthétiques, le chiffre mondial probable pour l’ensemble de l’industrie des drogues illicites serait d’environ  360 milliards de dollars , un chiffre dépassant  le PIB de bon nombre de pays moyens .

Troisièmement, , nous avons la traite des êtres humains  qui est une  activité criminelle internationale dans laquelle des hommes, des femmes et des enfants sont soumis à l’exploitation sexuelle ou à l’exploitation par le travail. Le trafic de migrants  est une activité bien organisée dans laquelle des personnes sont déplacées dans le monde en utilisant des réseaux criminels, des groupes et des itinéraires. Selon l’étude réalisée par l’OIT (Organisation internationale du travail), l’OIM (Organisation internationale pour les migrations de l’ONU) et l’ONG Walk Free en septembre 2022, la traite des êtres humains touche 50 millions de personnes dans le monde : 28 millions seraient victimes de travail forcé, soit une augmentation de plus de 10% depuis le dernier rapport datant de 2017. Et selon  l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), la traite des êtres humains est même l’une des activités illicites les plus lucratives en Europe, rapportant  environ 3 milliards de dollars par an aux groupes criminels.   

Quatrièmement , nous avons le trafic de ressources naturelles qui inclut la contrebande de matières premières telles que diamants et métaux rares (provenant souvent de zones de conflit) et la vente de médicaments frauduleux potentiellement mortelle pour les consommateurs. On estime la valeur totale entrant sur le marché à environ 100 millions de dollars par an. Il existe de grandes disparités entre les prix payés dans les pays d’origine et ceux payés dans les pays de destination.  

Cinquièmement , nous avons la cybercriminalité qui  est liée à la révolution dans le domaine des systèmes d’information et peut déstabiliser tout un pays tant sur le plan militaire, sécuritaire qu’économique, englobant  plusieurs domaines exploitant notamment de plus en plus internet pour dérober des données privées, accéder à des comptes bancaires et obtenir frauduleusement parfois des données stratégiques pour le pays. Le numérique a transformé à peu près tous les aspects de notre vie, notamment la notion de risque et la criminalité, de sorte que l’activité criminelle est plus efficace, moins risquée, plus rentable et plus facile que jamais.  Selon les estimations issues des Market Insights de Statista, le coût total de la cybercriminalité dans le monde a dépassé les 8000 milliards de dollars en 2023, en hausse de 15 % sur un an.  

Sixièmement , comme synthèse de tous ces trafics , nous avons le blanchiment d’argent. Qui  est un processus durant lequel l’argent gagné par un crime ou par un acte illégal est lavé,  voilant  l’origine de l’argent pour s’en servir après légalement. Les multiples paradis fiscaux, des sociétés de clearing (aussi Offshore) permettent de cacher l’origine de l’argent, évalué  par l’ONU d’ un montant de  2 000 milliards d’euros par an, dans le monde.

En  résumé , le  crime organisé pose un véritable défi à l’État de droit des Nations   et nécessite  une coopération internationale devant  unifier le renseignement sans lequel l’action opérationnelle risque d’être inefficiente.    A terme, la stratégie vise à attirer graduellement les utilisateurs du système informel vers le réseau formel et ainsi isoler les éléments criminels pour mieux les cibler tout en diminuant les dommages collatéraux pour les utilisateurs légitimes. Une étude d’Interpol  arrive à cinq conclusions : 1re conclusion : plus des trois quarts de la population mondiale vivent dans des pays où le taux de criminalité est élevé, ou dans des pays où le niveau de résilience face au crime organisé est faible ;  ;2me conclusion : la traite des personnes est le marché criminel le plus répandu au monde ;   3eme conclusion : une meilleure gouvernance interne présente des niveaux de résilience face à la criminalité plus élevés ;  4eme  conclusion : les acteurs étatiques constituent les principaux facilitateurs de ces pratiques occultes et obstacles à la résilience face au crime organisé (dont octroi opaque de l’octroi de marchés publics) ;  5eme conclusion : de nombreux pays en conflit et États fragiles sont très vulnérables face au crime organisé.   ademmebtoul@gmail.com