Une lueur d’espoir au Proche-Orient. Un cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah est entré en vigueur, mercredi 27 novembre, à 4 heures du matin (3 heures, heure de Paris) au Liban, après plus d’un an d’hostilités transfrontalières et deux mois de guerre ouverte entre l’armée israélienne et le mouvement libanais armé soutenu par l’Iran.
Mardi soir, le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, avait annoncé que la durée de cette trêve dépendrait « de ce qui se passera au Liban ». « Nous maintenons une totale liberté d’action militaire » sur le territoire libanais, a-t-il ajouté : « Si le Hezbollah viole l’accord et tente de se réarmer, nous attaquerons ».
L’annonce de cet accord est intervenue après qu’Israël a pilonné mardi le centre de Beyrouth et sa banlieue sud, bastion du Hezbollah, comme jamais depuis qu’il a lancé le 23 septembre une campagne de bombardements visant le mouvement allié du Hamas et de l’Iran, puis y a entamé le 30 septembre des opérations au sol dans le sud du Liban.
Emmanuel Macron en maintenant des contacts avec le Hezbollah depuis le début de la crise libanaise tout en conservant une relation privilgéiée avec les Séoudiens œuvrait depuis des semaines avec Washington à une trêve au Liban. L’annonce d’un cessez-le-feu, ce mardi offre au Président français une incontestable victoire diplomatique au Proche-Orient, alors qu’il semble de plus en plus en retrait de la scène politique française.
« C’est un retour inespéré de la diplomatie française. Le Liban réhabilite le rôle de la France au Proche-Orient », résume à l’AFP Hasni Abidi, directeur du Centre d’études sur le monde arabe et méditerranéen à Genève. « Pour la France, c’est un succès », abonde Agnès Levallois, vice-présidente de l’Institut de recherche et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient, en rappelant la douche froide de septembre où la même initiative avait été torpillée au dernier moment par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Emmanuel Macron, qui s’était alors beaucoup impliqué au côté des Etats-Unis durant l’Assemblée générale des Nations unies, « avait vraiment pris ça comme une gifle », ajoute-t-elle. Les Français sont restés depuis activement engagés dans les négociations, de concert avec les Américains, même si les Israéliens ont « voulu les en faire sortir », souligne une source française proche du dossier.
Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, dont les relations avec le président français sont notoirement tendues, a d’ailleurs, mardi soir, avant tout remercié l’américain Joe Biden « pour son implication » dans la trêve.
Le locataire sortant de la Maison Blanche a en revanche salué son homologue français pour « son partenariat » dans la négociation, entre Israël et le Hezbollah.
Les relations troubles de la France et du Hezbollah
Les contacts avec l’arc chiite
Selon plusieurs sources sollicitées par l’AFP, Américains et Libanais ont insisté pour que la France reste dans le jeu en raison notamment de ses contacts avec le mouvement chiite libanais et l’Iran, qui le soutient. »Les Américains avaient besoin de nous pour le Hezbollah », affirme un diplomate français. « Ils ont essayé de jouer (tout seuls) mais ça n’a pas marché donc les Français ont apporté leur plus-value traditionnelle », dit-il. La France, en perte de vitesse ces dernières années au Moyen-Orient, retrouve ainsi sa « place traditionnelle » entre les différents acteurs de la région, relève-t-il. « De ce point de vue là, c’est une victoire ». Selon Hasni Abidi, les Libanais ont de leur côté « insisté sur la présence de la France car ils ne font pas confiance aux Américains, qui ont montré leur alignement total sur la position israélienne ». L’annonce tombe en tout cas à pic pour Emmanuel Macron, en mauvaise posture en France depuis la dissolution ratée de l’Assemblée nationale en juin et qui espère retrouver du souffle sur la scène internationale.
Le chef de l’Etat a jusqu’ici rarement été récompensé de ses efforts diplomatiques, de la Libye à l’Ukraine, où il a même essuyé de vives critiques pour avoir continué à dialoguer avec Vladimir Poutine après le début de l’offensive russe en février 2022.
Sans oublier le Liban, ancien protectorat français, où Emmanuel Macron a tenté en vain depuis 2020 de résoudre la crise institutionnelle qui paralyse le pays en mettant la pression sur ses responsables politiques.
Une visite d’État en Arabie
Une telle annonce à quelques jours de sa visite d’Etat en Arabie saoudite, du 2 au 4 décembre, constitue aussi un atout potentiel pour le président français. Il peut « essayer d’embarquer les Saoudiens » en faveur d’une stabilisation du Liban, notamment financière, même si le prince héritier Mohammed ben Salmane n’a peut-être « pas (forcément) cet objectif », esquisse Agnès Levallois.
Au-delà de l’annonce, le chemin s’annonce encore long pour la mise en œuvre effective du cessez-le-feu sur le terrain même si Paris et Washington vont « veiller » à ce que ce soit le cas.
Benjamin Netanyahu a d’ores et déjà annoncé qu’Israël conserverait une « totale liberté d’action militaire » au Liban, « en accord » avec les Etats-Unis, et « répondra » si le Hezbollah viole la trêve.
« Concrètement, comment les choses vont-elle se passer s’il y a un problème ? », s’interroge Agnès Levallois en notant que l’armée libanaise n’aura « pas beaucoup de moyens » pour faire tampon entre le mouvement chiite et l’armée israélienne.
Face à tous ces enjeux, « la France est face à une mission délicate: conserver son indépendance et sa ligne d’influence tout en gardant la confiance de tous les acteurs », avertit Hasni Abidi.
Valérie Leroux et Delphine Touitou, avec AFP