Les policiers ivoiriens démantèlent un réseau de l’Etat islamique

Huit Syriens travaillant pour l’organisation Etat islamique ont été arrêtés à Abidjan et à Antananarivo en juillet dernier grâce à l’appui des renseignements américains et français. Leur parcours met en relief d’étranges complicités et la porosité de l’administration ivoirienne en particulier.

Correspondance à Abidjan, Bati Abouè

Dans la commune de Koumassi où ils vivaient, ces Syriens étaient suspectés de favoriser le voyage des membres de l’Etat islamique vers Europe dans le but d’y implanter des cellules de l’organisation jihadiste. Mais les renseignements américains qui ont aidé les forces ivoiriennes à les localiser les soupçonnaient aussi d’avoir participé à un projet d’attentat contre les Jeux olympiques de Paris.  

Le démantèlement de ce réseau a nécessité la collaboration des services de renseignements américains, malgaches et français. Tout a commencé le 28 juillet, en fin de journée, selon les informations du Monde, qui explique dans son édition en ligne du 24 novembre, qu’une unité antiterroriste ivoirienne a effectué ce jour-là, une descente dans une résidence de Koumassi, une commune de la capitale ivoirienne située à une dizaine de kilomètres de l’aéroport d’Abidjan.

Elles saisissent dans l’appartement occupé par deux cousins syriens, Maher A et Salim A., des faux papiers et une trentaine de cartes magnétiques SIM. Elles découvrent alors que les deux hommes dont l’un disposait d’un visa albanais obtenu de manière frauduleuse, préparaient un voyage devant leur permettre de s’établir en Europe. Quelques jours plus tard, leurs complices syrien et irakien, établis en Côte d’Ivoire et ayant facilité leur voyage sont également arrêtés.

 

Un réseau familial

L’autre cousin de Maher et Salim, Hassan A. est interpellé́ dans la même journée à Antanarivo, à Madagascar par les services de sécurité malgaches en compagnie d’un ressortissant irakien. Le coup de filet malgache a bénéficié de l’aide de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Comme à Abidjan, Hassan A. souhaitait rallier l’Europe. Et ne savaient pas qu’ils étaient suivis depuis de longs mois par les services de renseignement américains et français qui les filaient discrètement en raison de leurs liens avec l’organisation Etat islamique.

Leur rôle était de servir de facilitateurs de faux papiers ou de titres de voyage au profit des membres de l’organisation djihadiste afin de relocaliser des « frères » de l’EI dans d’autres zones, et particulièrement en Europe.

Les six suspects arrêtés à Abidjan ont été interrogés par les services de renseignement ivoiriens avant d’être remis aux américains qui ont affrété un vol spécial pour les transférer en Irak où, selon des sources anonymes citées par Le Monde, ils ont été remis aux services de sécurité locaux.

Les craintes des autorités ivoiriennes

Cette présence d’éléments de l’organisation Etat islamique en rajoute aux craintes des autorités ivoiriennes confrontées depuis de nombreuses années à des infiltrations de djihadistes sahéliens liés à Al-Qaida qui viennent des pays limitrophes tels que le Mali ou le Burkina Faso.

Selon les renseignements américains et français, ces Syriens et Irakiens se sont retrouvés en Côte d’Ivoire grâce à un parcours complexe comprenant de multiples zones d’ombre. En effet, tous ont voyagé en Turquie et au Soudan grâce à de faux passeports et visas et avec des milliers d’euros en poche.

D’Istanbul, les trois membres de la famille A. ont d’abord rallié le Soudan. Ils espéraient en obtenir la nationalité. Malheureusement, ils sont identifiés par les services de renseignements locaux comme d’anciens membres de l’EI. Tous sont alors incarcérés pendant trois ans à la prison centrale de Khartoum. C’est là que les trois membres de la famille A. font la connaissance d’un Irakien nommé « Abou T. A leur sortie de prison, fin 2022, ces cousins syriens obtiennent frauduleusement des visas ivoiriens et s’installent à Abidjan, où ils travaillent un temps sur des chantiers de construction avant qu’Abou T. ne mette le cap sur Madagascar.

 

Une parfaite coordination

Fin 2023, Abou T. leur parle de la filière qui peut leur permettre de rallier la Turquie et l’Europe depuis la Grande Ile, à Madagascar. Maher A. et Hassan A., eux, s’envolent alors pour Antananarivo, sans Salim A, resté à Abidjan.

Début 2024, Maher A. veut gagner Istanbul depuis Antananarivo avec un faux passeport tunisien. Mais la police turque qui l’a repéré le renvoie à Abidjan à cause de son visa ivoirien. Il y retrouve son cousin Salim A. qui, comme lui, est un ancien membre de l’organisation Etat Islamique à Deir Ez-Zor. Les deux sont rejoints par les éléments Irakiens croisés à Madagascar. Tous font ensuite le voyage en Côte d’Ivoire mais séparément. Une fois arrivés à Abidjan, ils s’installent dans différents appartements qu’ils louent dans la commune de Koumassi. Vu qu’ils sont sans emploi, ils se retrouvent régulièrement à différents endroits de la commune pour partager des repas chez les uns ou les autres.

Malheureusement le 26 juillet, les autorités ivoiriennes sont informées de leur présence grâce aux services de renseignement américains. Deux jours après, une opération est montée par les forces de sécurité ivoiriennes. Pendant ce temps, à des milliers de kilomètres de là, à Antanarivo, se coordonne l’autre coup de filet.