Bruxelles et Niamey échangent des noms d’oiseau depuis deux jours autour de tensions suscitées par l’utilisation, par le délégué de l’Union européenne au Niger Salvador Pinto da França, d’un fonds d’aide de 1,3 million d’euros d’aide humanitaire destinée aux victimes des inondations récentes dans le pays.
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Le ministère nigérien des Affaires étrangères, de la Coopération et des Nigériens à l’Extérieur a annoncé vendredi que l’Union européenne avait mis à la disposition du Niger cet appui financier de sa propre initiative et « sans qu’il en ait fait la demande ».
Or, indique le ministère nigérien, le représentant de l’Union européenne au Niger a décidé seul de la répartition des fonds et même de leur distribution géographique, sans consulter les autorités du pays : « L’ambassadeur de l’UE au Niger a, de manière unilatérale, procédé à l’affectation de cette subvention aux ONG, notamment le Comité international de la Croix Rouge, le Danish Refugee Council et Cooperazione Internationale, au mépris des principes de transparence et de bonne collaboration avec les autorités nigériennes compétentes, qui doivent guider la gestion de l’assistance humanitaire. Pire, l’ambassadeur a procédé arbitrairement à la répartition par région de la dite subvention. »
Déplorant « cette attitude qui jure avec les principes régissant les relations diplomatiques », l’Etat du Niger a décidé de « commanditer un audit sur la gestion des fonds sus-mentionnés » pour savoir « l’usage et la destination réels des sommes allouées aux ONG concernées ».
Instrumentalisation politique des questions humanitaires?
Bruxelles a répliqué samedi en rappelant son ambassadeur de Niamey pour consultations. Dans un communiqué, l’UE « fait part de son profond désaccord avec les allégations et justifications avancées par les autorités de transition » et regrette « l’instrumentalisation de l’aide humanitaire à des fins politiques. » Bruxelles dit toujours « vouloir continuer à soutenir la population » et apporter l’aide humanitaire essentielle « de manière neutre, impartiale et indépendante » à travers « des agences des Nations unies et des organisations et ONG internationales. »
Cet épisode illustre, une nouvelle fois, la difficulté, voire l’incapacité, de Salvador Pinto da França et de son institution, de tirer les conséquences de la crise politique aiguë qui a opposé le Niger à la communauté internationale après le coup d’Etat du 27 juillet 2023. M. Pinto da França, diplomate franco-portugais, a été nommé au Niger le 1er septembre 2022 et il s’est, au plus fort de la crise, rangé aux côtés de la France dans le camp des faucons qui souhaitaient une intervention armée contre le Niger. Ses relations avec les militaires au pouvoir sont notoirement difficiles. Or, les nouvelles autorités sont particulièrement jalouses de leur souveraineté sur le territoire nigérien et elles attendent de leurs partenaires étrangers transparence et respect.
L’Union européenne, divisée sur l’attitude à tenir désormais au Sahel où transite la migration sub-saharienne qui l’obsède, n’a pas réussi, jusqu’ici, à normaliser ses relations avec le pays. Alors qu’elle était le premier partenaire multilatéral du Niger avant le renversement du Président Mohamed Bazoum, elle a interrompu toute sa coopération, sauf en matière humanitaire.