Côte d’Ivoire, le cinéma à la peine !

Le Salon international du contenu audiovisuel d’Abidjan qui s’est ouvert, mardi 5 novembre 2024, vise à créer une industrie cinématographique en Côte d’Ivoire et faire évoluer ce secteur qui manque encore de ressources humaines.

Correspondance à Abidjan, Bati Abouè

De nombreux experts de l’art cinématographique ont pointé le manque de ressources humaines locales dans le domaine de l’audiovisuel, lors du Salon international de l’audiovisuel d’Abidjan qui s’est ouvert dans la capitale ivoirienne le mardi 5 novembre 2024.

Le premier objectif du Salon a été d’apprendre le métier de la postproduction à ceux qui l’exercent sur le tard. Comme Aimé, un cadreur autodidacte qui assure avoir réussi « maîtriser le vocabulaire de ce métier » grâce au Salon d’Abidjan. Pour lui, côtoyer les professionnels du métier lui a permis de « connaître les différentes étapes ». A la fin, il assure avoir appris la rigueur du métier.

Le cinéma ivoirien manque généralement à la fois d’acteurs, de producteurs et d’ingénieurs de son. D’où l’intérêt d’avoir de bons formateurs. Car il ne s’agit pas d’empiler les rushes pour obtenir de bons films. Le contenu d’un film et la postproduction comptent pour beaucoup dans la commercialisation d’un film. Et Penda N’diaye qui a animé la formation sur la postproduction au cours de ce Salon ne le sait que trop.

Manque d’expertises locales

Avant de devenir formatrice, elle dû quitter une chaîne de télévision privée au Sénégal pour se former au montage de longs formats. « Avant, je ne faisais pas de montage de film/série, documentaire et autre. Je faisais juste du montage de reportage et d’émissions. On m’a appris comment monter un film, comment on fait un documentaire, les séries, etc. En plus, j’ai appris le métier de script-plateau », affirme-t-elle avec fierté.

Malheureusement, beaucoup d’Ivoiriens n’ont pas encore son pedigree. Le pays manque en effet de ressources humaines dans le domaine de l’art cinématographique. De sorte que la plupart des sociétés de production ivoiriennes font venir de la main-d’œuvre du Sénégal, du Maroc, du Burkina Faso, ou de la France, assure Charly Kodjo, producteur et co-fondateur de Créative spécialisée dans la postproduction.

Le pays manque également de scénaristes, de bons réalisateurs, de directeurs photo, de monteurs et d’ingénieurs du son. En un mot, c’est toute la chaîne de valeur permettant de produire un bon film qu’il faut construire. D’autant que le secteur est en pleine expansion. L’Etat subventionne également le secteur même si celles-ci sont encore loin des 200 millions de dollars que le gouvernement nigérian avaient consentis pour le développement du secteur. Cela dit, petit à petit, le secteur privé commence aussi à s’intéresser à l’industrie cinématographique locale. Ce qui permet de vivre de ce métier, selon Charly Kodjo.

De vraies potentialités

Avec la libéralisation du secteur de l’audiovisuel en Côte d’Ivoire, il existe désormais un vrai marché de productions à la fois pour des entreprises privées ainsi que la réalisation des séries pour les chaînes de télévision. À cela s’ajoute, un réseau de salles de cinéma, qui progressivement s’étend dans la capitale économique ivoirienne.

En tout cas, le ministre de la communication, Amadou Coulibaly est persuadé que la Côte d’Ivoire a les moyens de se positionner dans cette industrie encore dominée par le Nigérian. Malgré tout, « nous en avons les moyens. Nous avons les infrastructures qu’il faut, nous avons les hommes qu’il faut, nous avons le matériel qu’il faut. Il est important, donc, que la Côte d’Ivoire qui, pendant longtemps, a été la plaque tournante de la musique au niveau du continent, puisse occuper également cette place au niveau du cinéma et de l’audiovisuel », assure Amadou Coulibaly.

Le Salon international d’Abidjan qui réunit aussi bien des producteurs, des réalisateurs que des acheteurs ne peut donc qu’être bénéfique au cinéma ivoirien. 

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)