Quarante artistes contemporains du Bénin sont à la Conciergerie à Paris avec une centaine d’œuvres. Tous très inspirés par l’histoire et les traditions de leur pays. Ils sont la partie moderne de l’exposition qui avait été présentée dans le Palais présidentiel de la Marina à Cotonou en 2022 intitulé « Art du Benin d’hier à Aujourd’hui : de la restitution à la révélation ».
Caroline Chaine
L’exposition au Bénin avait eu lieu à l’occasion de la restitution par la France en 2021 des vingt-six trésors du royaume d’Abomey pillés lors de la conquête coloniale française en 1894, seule restitution française à ses anciennes colonies à ce jour. Ce royaume à son apogée au XVIII et XIX eme siècle fut alors renommé Dahomey (Danxomè), indépendant en 1960, il devient le Benin en 1975 pour respecter les différentes ethnies du pays. Présentée à Paris dans ce lieu symbolique du pouvoir royal capétien, l’exposition renvoie à la grandeur de ce royaume.
Georges Adéagbo, le premier artiste africain à avoir reçu un prix à la Biennale de Venise en 1999, introduit l’exposition avec La Porte : derrière la porte… ! Qu’est-ce qu’il y a derrière la porte… ? Livres, tableaux et objets trouvés, coupures de journaux racontent la société, le sacré, le patrimoine africain et même l’histoire française.
Conçue en trois parties, les œuvres sont regroupées en trois ensembles. Le spirituel avec Les déesses et les dieux, l’histoire avec Les reines et les rois et une approche élargie avec Des femmes et des hommes.
Le culte vaudou (vodun) s’est développé avec ses déesses et ses dieux à partir du XVII eme siècle sous l’influence de la cultures Yoruba, groupe ethnique très présent en Afrique de l’ouest. « Il faut considérer le vodun comme une pensée dynamique, organisée et pertinente, une histoire ouverte et un système mouvant de pensée », explique le philosophe franco-béninois Arnaud Zohou. Prières, offrandes, sacrifices, état de transe permettent d’entrer en contact avec les divinités et les esprits protecteurs. Kifouli Dossou, sculpteur de masques cérémoniels Gèlèdé voue un culte aux mères ancestrales. Eliane AIsso réalise des petits autels portatifs en fer forgé pour communiquer avec l’infra monde. Dominique Kouas représente la divinité Gou, celle du feu, du fer et de la guerre dans la mythologie Yoruba, il deviendra le patron des forgerons. Yves Pèdé consacre aux divinités Gou ou Sakpata des appliqués sur tissu en vogue à la cour du Dahomey.
Les reines et rois avec le fondateur de la dynastie Houégbadja au XVII eme siècle sont toujours très présents dans l’iconographie contemporaine. Moufouli Bello représente la seule reine du Dahomey, Tassi Hangbé. Au début du XVIII eme siecle, elle poursuit une campagne militaire à la suite du décès de son frère et crée un corps d’élite féminin. Les Petites princesses jumelles de Dominique Zinkpe réalisées à partir d’assemblage de statuettes sculptées en bois peint, des hôhô, sont considérées comme des divinités de la maternité et la gémellité. Les peintures des statues anthropo-zoomorphes de Youss Atacora symbolisent l’animal totémique royal. Sentinelles protectrices, bochio, elles étaient portées en procession pour magnifier la puissance des souverains. Roméo Mivekannin représente de manière photographique (photo) l’exil du dernier roi Béhanzin avec sa famille sur des draps trempés dans des solutions servant au rituel vaudou.
Avec des femmes et des hommes, les artistes regardent le monde qui les entourent. L’oiseau à la tête tournée en arrière, Sankofa souligne l’importance d’apprendre du passé. Fabrice Monteiro dénonce la civilisation du jetable et la pollution du continent africain. La photo monumentale, The Prophecy (photo) mets en scène une divinité à la robe en jacinthes d’eau. Venues d’Europe pour décorer des jardins, elles ont envahi entre autres le lac Nokoue. Le casque d’écran orné de cauris (photo), Vodunaut, Hyperceiver d’Emo de Medeiros est inspirée de l’art traditionnel béninois mais les nouvelles technologies transforment chacun en voyageur du futur.
Plusieurs centaines d’objets issus du royaume de Dahomey sont actuellement enregistrés dans le patrimoine français. Les trônes, statues et sceptres royaux restitués au Bénin sont dans une réserve du Palais présidentiel en attente du musée de l’épopée des Amazones et des Rois du Danhomé à Abomey au nord de Cotonou, site palatial inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco en cours de rénovation.
Le film Dahomey de la franco-sénégalaise Mati Diop, récompensé par l’ours d’or de Berlin cette année, retrace la restitution de ces œuvres au départ des réserves du musée du quai Branly. Elles parlent de manière un peu désorientée d’une voix synthétique, comme des fantômes, comme si les esprits étaient toujours là. A leur arrivée une réunion de jeunes commente cette restitution. Paroles vives et propos contradictoires.