Le Hezbollah n’a le choix désormais qu’entre la reddition ou la clandestinité

Après des pertes considérables dans ses rangs, la décapitation de son haut commandement et les coups portés par l’armée israélienne, le Hezbollah, mouvement pro iranien, est confronté à l’alternative suivante : persister dans la confrontation avec l’armée israélienne, quartier par quartier, au risque d’entraîner le Liban dans une sorte de chaos ou s’engager dans la voie de concessions de taille, en reniant ses combats passés et sa raison d’être. Le destin du pays du Cèdre, prisonnier des enjeux régionaux et fragilisé par ses propres tensions communautaires, dépend du choix dramatique que doit opérer le parti chiite qui s’est construit comme le rempart contre l’expansionnisme israélien, une posture qui n’est plus tenable compte tenu du rapport de force actuel.

Le décryptage de Mondafrique.

Les récentes frappes israéliennes ont éliminé plusieurs figures -clés du haut commandement du Hezbollah, dont son chef Hassan Nasrallah. Malgré ces pertes, Naim Kassem, numéro deux du mouvement, a pris la parole mardi dernier pour réaffirmer la détermination du Hezbollah à poursuivre la lutte contre Israël.

Dans son deuxième discours prononcé depuis l’assassinat de Nasrallah, Naim Kassem a martelé que le Hezbollah continuerait à utiliser « toutes les capacités » à sa disposition pour « soutenir le Liban et la région contre le régime d’occupation sioniste ». Il a également souligné que la structure de commandement du Hezbollah restait intacte et que le mouvement désignerait bientôt un nouveau dirigeant.

Cependant, les efforts de Kassem pour projeter une image de force et d’unité ne peuvent masquer l’ampleur des dégâts infligés au Hezbollah. Selon des sources israéliennes, les frappes auraient éliminé « des milliers de terroristes », dont le successeur potentiel de Nasrallah, Hashim Safieddine. Kassem lui-même semble vivre en sursis, au regard des assassinats quasi immédiats qui ont lieu.

Le Hezbollah n’a pas encore officialisé le décès de Safieddine, indiquant seulement que les communications avec lui étaient interrompues depuis la frappe israélienne. L’intensité des bombardements sur le lieu de sa mort présumée a empêché la récupération de son corps. Ce n’est qu’après l’annonce « officielle » par Israël de son élimination qu’une accalmie a été constatée mardi soir, suggérant une éventuelle évacuation de sa dépouille ? Les prochains jours démontreront si cette spéculation est de mise.

Une capacité de nuisance

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a averti que le Liban subirait « des destructions et des souffrances comme celles que nous voyons à Gaza » si le pays ne se débarrassait pas du Hezbollah. Il a posé comme condition à tout cessez-le-feu durable que le mouvement chiite rende les armes, une exigence à laquelle le Hezbollah ne semble pas prêt à se plier. Selon des analystes, un cessez-le-feu sans désarmement permettrait au Hezbollah de se réorganiser et de reconstituer ses forces.

Malgré ces revers et ces menaces, le Hezbollah conserve une capacité de nuisance significative, tant au Liban que contre Israël. Le mouvement dispose toujours d’un arsenal important, comprenant des dizaines de milliers de roquettes et des missiles à longue portée capables d’atteindre les grandes villes israéliennes. Ses combattants aguerris, rompus aux techniques de guérilla, constituent également une menace persistante pour les forces israéliennes surtout dans un affrontement terrestre. Le Hezbollah parie d’ailleurs sur cela.

En outre, le Hezbollah reste profondément enraciné dans la société libanaise, en particulier au sein de la communauté chiite. Cette intégration sociale et politique rend difficile toute tentative d’éradiquer complètement le Hezbollah sans provoquer une grave déstabilisation du pays. Voire le resurgissement du spectre tant redouté d’une guerre civile.

Un cessez-le-feu « trop tard » 

Face à la pression militaire israélienne, le Hezbollah semble avoir été contraint de modérer sa posture. Dans une apparente volte-face par rapport à sa rhétorique habituelle, Naim Kassem a exprimé son accord pour un cessez-le-feu. Deux députés hezbollahis lui ont emboité le pas. Cette ouverture marque un changement de ton significatif pour une organisation qui avait jusqu’alors rejeté toute idée de trêve unilatérale.

Cependant, l’appel de Kassem a été froidement accueilli par les États-Unis, qui l’ont jugé « trop tardive ». Cette fin de non-recevoir suggère que Washington perçoit un avantage stratégique à laisser Israël poursuivre ses opérations militaires contre un Hezbollah affaibli et en position défensive.

Le sort du Liban et du Hezbollah apparaît également étroitement lié aux rapports de force régionaux et internationaux. Les États-Unis, en particulier, jouent un rôle clé dans la gestion de la crise. L’administration Biden a jusqu’à présent affiché son soutien à Israël, tout en appelant à la retenue et à une solution diplomatique.

Cependant, la position américaine pourrait être influencée par les enjeux de politique intérieure, à commencer par l’élection présidentielle de novembre. La gestion du conflit au Liban est devenue un sujet de débat entre les candidats, Joe Biden et son rival républicain Donald Trump. Ce dernier a adopté une ligne plus agressive, allant jusqu’à suggérer qu’Israël devrait frapper les installations nucléaires iraniennes.

Les messages musclés de l’Iran 

L’Iran, maître-marionnettiste du Hezbollah, déploie ses pions sur l’échiquier libanais. Dans une démonstration de force à peine voilée, Téhéran a envoyé son émissaire, le ministre des Affaires étrangères Abbas Araghchi, atterrir en plein cœur de Beyrouth. Cette visite, loin d’être une simple mission diplomatique, sonnait comme un avertissement : l’Iran tient fermement les rênes du conflit et n’entend pas les lâcher.

En effet, Abbas Araghchi, visait non seulement à réaffirmer le soutien de Téhéran « au Hezbollah et au peuple libanais », mais aussi à signifier clairement au Premier ministre sortant Mikati, ainsi qu’au chef du Parlement Nabih Berri, qu’ils ne pouvaient pas décider unilatéralement de l’issue du conflit. Encore moins de décider de l’élection d’un président de la république tant que la guerre était en cours. Le fait que l’avion du ministre ait pu atterrir à l’aéroport de Beyrouth, alors que les Israéliens interdisent normalement tout accès à des avions iraniens, suggère que ces derniers sont conscients qu’Araghchi est venu maintenir la pression pour éviter un règlement rapide du conflit, permettant ainsi la poursuite de la guerre et de facto celle du chaos. Ce qui arrange manifestement les deux parties, pavant ainsi le terrain aux négociations futures… sur le sang des Libanais !

Le Hezbollah, menace pour le Liban

Au-delà du conflit avec Israël, le Hezbollah fait face à des défis internes croissants. Le mouvement chiite ayant pris en otage les institutions libanaises, toute action de sa part vers l’intérieur libanais menace la fragile coexistence entre les communautés du pays.

Ces tensions se sont notamment manifestées par un renforcement de la présence sécuritaire du Hezbollah dans plusieurs régions du Liban, y compris dans des zones à majorité chrétienne. Le mouvement aurait placé des membres armés dans les centres accueillant des déplacés du sud du Liban et de la banlieue sud de Beyrouth, suscitant des inquiétudes quant à une stratégie de contrôle des mouvements de population et de collecte de renseignements.

Des provocations et des incidents impliquant des combattants du Hezbollah ont également été rapportés dans les régions chrétiennes, avec des tentatives d’intimidation envers les résidents locaux. Ces actions sont perçues comme une volonté du Hezbollah d’étendre son influence au-delà de ses bastions traditionnels, en profitant du chaos provoqué par le conflit et les déplacements massifs de population.

Dans ce climat délétère, les actions du Hezbollah risquent d’attiser les tensions intercommunautaires et de miner un peu plus la stabilité déjà précaire du pays.

L’impossible élection d’un Président

Face à ces défis, certains acteurs libanais tentent de promouvoir une solution politique inclusive, passant notamment par l’élection d’un nouveau président qui ne serait pas aligné sur le Hezbollah. Le nom du général Joseph Aoun, chef d’état-major de l’armée libanaise, est régulièrement cité comme un candidat potentiel capable de rassembler au-delà des clivages confessionnels.

Cependant, cette perspective se heurte à l’opposition farouche du Hezbollah, qui a déclaré que Joseph Aoun « ne saurait venir avec les tanks américains ». Ce veto officiel illustre la capacité du mouvement chiite à bloquer toute tentative de changement politique remettant en cause son influence.

Toute solution durable à la crise libanaise devra donc nécessairement prendre en compte les intérêts et les préoccupations du Hezbollah. Un équilibre délicat qui semble pour l’heure hors de portée, au vu des tensions extrêmes qui traversent le Liban. Le mouvement pro iranien a chargé Nabih Berri, président du Parlement libanais et allié de longue date du mouvement, d’être son porte-parole dans les négociations politiques. Berri, qui tient les clés du Parlement, est censé défendre les intérêts du Hezbollah tout en promouvant une solution inclusive à la crise.

Cependant, cette stratégie se heurte à un obstacle majeur : la corruption endémique de la classe politique libanaise. De nombreux observateurs estiment que les dirigeants libanais, toutes factions confondues, sont plus soucieux de préserver leurs intérêts personnels que de travailler à une véritable résolution de la crise.

Le pire est probable

Le Hezbollah traverse une période dramatique, subissant des revers militaires cuisants. Le mouvement peut opter pour la poursuite de la confrontation, risquant de plonger le Liban dans le chaos et la fragmentation. Alternativement, il peut s’engager dans la voie du dialogue et du compromis, en vue d’une solution politique inclusive prenant en compte les aspirations de toutes les composantes de la société libanaise, une perspective qui semble malheureusement éloignée de la réalité actuelle.

La réalité du terrain semble indiquer que la guerre reste la seule réponse envisageable à court et moyen terme, laissant peu de place à l’optimisme quant à une résolution pacifique du conflit dans un avenir proche.