«Circulez il n’y a rien à voir » c’est en substance ce que vient de déclarer à Ottawa l’Ambassadeur d’Arabie Saoudite à propos du dossier du blogueur saoudien Raif Badawi. La femme de ce dernier et ses trois enfants trois enfants ont obtenu l’asile politique au Canada et résident à Sherbrooke au Québec, a été condamné par la justice saoudienne en 2012. 10 ans de prison, 1000 coups de fouet et près de 200 000 € d’amende pour avoir réclamé sur son blog une plus grande tolérance envers les non musulmans et une plus grande ouverture d’esprit dans le royaume. Le jugement précisait : apostasie et insulte à l’islam.
Mobilisation internationale
La première séance de flagellation a eu lieu en public devant une mosquée de Djeddah. Par la suite les autres séances ont été interrompues pour « raison médicale » à la suite d’une intense mobilisation internationale et de l’ONU. L’impression générale était que le dossier Badawi était gelé et que l’on attendait à Ryad un moment propice pour le libérer. Pourtant, selon des indications déjà ancienne, on a prêté au Royaume saoudien l’intention d’entreprendre une nouvelle action en justice pour apostasie avec à la clef la possibilité d’une condamnation à mort. Et puis de nouveau le silence…
Depuis le début de sa détention et en dehors de l’intervention des états, le blogueur saoudien a reçu de très nombreux prix récompensant les défenseurs des droits de l’homme notamment le prix Sakharov en 2015. Il a été également proposé la même année pour le prix Nobel de la Paix.L’avocat de Raif Badawi, Waleed Abu al-Khair, militant des droits de l’homme également, a pour l’occasion écopé de 15 ans de prison à son tour.
Le 17 juin dernier, date du cinquième anniversaire de la mise en détention de son mari, Ensaf Haidar, a lancé un poignant appel pour sa libération dans un texte publié par le prestigieux hebdomadaire US « Newsweek ». Elle s’adressait au nouveau Prince héritier, Mohammed ben Salmane, qui a deux ans de moins que le détenu. Ce qui est une première dans le royaume et qui pouvait être interprété comme une volonté d’ouverture de Ryad.
Amnésie générale
Dans le même temps, Madame Badawi a exhorté Justin Trudeau, le 1er ministre du Canada, à accentuer les efforts de la diplomatie de sont pays d’accueil pour la libération du jeune bloguer. Une vidéo des enfants s’adressant directement à Justin Trudeau pour qu’il intervienne de façon plus pressante avait été réalisée et diffusée il y a quelques jours.
Trudeau est resté assez évasif sur le sujet et l’ambassadeur saoudien, décidément très bavard a même indiqué au sujet d’éventuelles interventions canadiennes: « je ne me souviens pas de cela. Peut être. Peut être…. »
Rappelons qu’il y a quelques mois le Premier ministre canadien a autorisé une vente d’automitrailleuses à l’Arabie Saoudite qui avait donné lieu à une intervention en justice.
Aujourd’hui donc, l’ambassadeur saoudien tape du poing sur la table: « occupez vous de vos oignons » ce qui se traduit en langage diplomatique par: « l’Arabie Saoudite respecte les décisions des tribunaux canadiens, Et nous croyons que nos amis canadiens devraient nous traiter de la même façon. C’est tout ».
L’ambassadeur al-Sudairy n’est pas, à Ottawa, le diplomate qui se livre le plus à la presse. Initialement la conférence de presse à laquelle il participait cet après midi, avec l’ambassadeur d’Egypte et celui des Emirats Arabes Unis, était destinée à faire connaitre le point de vue de son pays avec le Quatar. Et c’est en marge de cette conférence de presse qu’il s’est livré aux commentaires qui suscitent beaucoup d’émotion ici sur Raif Badawi.
Résultat: tout le monde parle du prisonnier de Ryad et pratiquement pas de la position de l’Arabie Saoudite dans la crise avec le Quatar…..