Face à la guerre sans fin entre Israéliens et Palestiniens, l’espoir pourrait venir de la chute du régime iranien. C’est l’une des hypothèses avancées à la Rencontre internationale pour la Paix organisée tout récemment à Paris par la Communauté de Sant’Egidio, un mouvement laïc proche du Vatican dont les représentants se sont entretenus cet été aussi bien avec le Président iranien qu’avec le Premier ministre israélien. Lors de l’ouverture de ce colloque peu suivi par la presse, le président français Emmanuel Macron a prononcé un discours de bienvenue.
Ian Hamel
Cette association née en 1968 à Rome pour promouvoir en toute discrétion la diplomatie vaticane est capable d’asseoir à la même table Patrick Pouyanné, le PDG de Total Énergies, le secrétaire général d’un puissant syndicat italien, et un hindouiste, fondateur du Forum for a New South Asia. Le Vatican possède l’un des plus anciens et des plus efficaces service de renseignements du monde dont la communauté est une composante.
La Communauté de Sant’Egidio a également joué un rôle important en Algérie en réunissant en 1995 les partis politiques de l’opposition afin de trouver une solution pacifique à la guerre civile, il est vrai sans y parvenir face à des militaires qui voulaient négocier eux mêmes une sortie de crise avec les groupes armés. Durant le colloque qui vient d’avoir lieu, le théologien Mohammed Esslimani a évoqué le père Christian De Chergé, prieur de l’abbaye de Tibhirine et membre de la communauté, tué avec six autres moines trappistes en Algérie en mai 1996, qui était un de ses amis et dont il ne manque pas de rappeler le témoignage de dialogue, d’amitié et de paix dans l’Algérie troublée de ces années là.
Le forum intitulé « La Méditerranée : une mer agitée par l’histoire », organisé cette semaine au collège des Bernardins par la Communauté de Sant’Egidio réunissait également des personnalités aussi diverses que le spécialiste de l’islam, Gilles Kepel, la journaliste algérienne d’Al-Jazeera Khadija Benganna, et un membre de la Conférence des rabbins venu de Turquie. Tous les intervenants étaient au moins d’accord sur un point : la paix au Proche-Orient n’est pas pour demain. Les Américains étant aux abonnés absents pour au moins six mois (avant et juste après l’élection présidentielle), Benyamin Netanyahou a pratiquement les mains libres pour continuer à broyer l’infrastructure militaire du Hamas et du Hezbollah. Pourquoi se gênerait-il ? Si l’Iran n’arrêtera pas d’aboyer, en revanche ne veut plus mordre.
L’Arabie saoudite en plein changement…
Le nouveau président iranien n’est-il pas venu plaider cette semaine la fin de son isolement à l’ONU et sa volonté de promouvoir une « nouvelle ère » dans ses relations avec l’Occident ? « Téhéran n’a été prévenu qu’une demi-heure avant l’attaque du 7 octobre 2023. Avec le Hamas, c’est un mariage de convenance mais pas d’allégeance », assure l’universitaire Gilles Kepel qui publie cette semaine « Le bouleversement du monde », avec l’émergence du “Sud global“. L’Arabie saoudite, qui a longtemps financé l’islam radical, a bien basculé. Elle classe à présent les Frères musulmans parmi les organisations terroristes. La redistribution des cartes au Proche-Orient pourrait bien venir de l’effondrement de la République islamique d’Iran.
La peur à Téhéran a changé de camp. Le cinéaste Mohammad Rasoulof, auteur des « Graines du figuier sauvage », était détenu par des gardiens de prison, mais aussi des magistrats, des policiers. Tous lui confiaient qu’ils craignaient pour ce qui allait se passer, et ce qu’on ferait d’eux. « Il ne faut pas désespérer. Les régimes ne sont pas éternels, qu’il s’agisse de Netanyahou ou de celui des mollahs », assure Dominique Moïsi, auteur du «Triomphe des émotions ». Lorsque les participants à cette rencontre internationale pour la paix demandent comment imaginer l’arrêt des hostilités, et comment l’église catholique peut y jouer un rôle, ces questions ne sont pas totalement naïves.
Moncef Marzouki, l’ancien président tunisien est catégorique : « ceux qui avancent la solution de deux États sont soit des idiots, soit ils prennent les autres pour des idiots ». Les raisons ? Avec le glissement à droite de l’opinion israélienne depuis vingt ans, le « peuple tribu » s’est persuadé que l’annexion de la Cisjordanie est inéluctable. « La solution Netanyahou, c’est l’apartheid pour les Palestiniens ». Si pour Moncef Marzouki, « Netanyahou est un anti-Mandela », le géopolitologue Dominique Moïsi préfère qualifier l’actuel Premier ministre israélien d’anti-Yitzhak Rabin. Celui-ci était convaincu dans les années 90 que « le mur de la haine pouvait s’effondrer », et que « la sécurité d’Israël présupposait sa légitimité ».
La paix au Mozambique
Nelson Moda de Sant’Egidio au Mozambique, intervenant dans un autre forum, intitulé justement « La guerre n’est pas une fatalité : imaginer la paix » raconte qu’un an à peine après l’indépendance de cette ancienne colonie portugaise, celle-ci a été ravagée par une terrible guerre civile. « C’était un véritable bain de sang et les gens mouraient de faim. Le conflit opposait les marxistes du Front de libération du Mozambique (FRELIMO) à la Résistance nationale du Mozambique (RENAMO), antimarxiste ».
Sant’Egidio a réussi à asseoir communistes et anti communistes à une même table de négociation. Un traité de paix a été signé à Rome en octobre 1992.
Le Vatican en Afrique, combien de divisions?