Côte d’Ivoire, la moitié des prisonniers attendent d’être jugés

Selon le Conseil national ivoirien des droits de l’homme (CNDH), les autorités judiciaires ivoiriennes ont un recours systématique aux détentions préventives, y compris de longue durée.

En Côte d’Ivoire, on peut rester longtemps en prison sans avoir été jugé. C’est le Conseil national ivoirien des droits de l’homme qui l’a affirmé le 12 septembre dernier. Selon lui, un peu plus de la moitié de la population carcérale du pays est composée de prisonniers attendant d’être jugés. Inexact, estime l’administration pénitentiaire. Pour elle, moins de 9.800 prévenus et accusés sont concernés par cette situation.

Mais ces chiffres sont assez inquiétants pour l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat). Cette Ong lutte contre les détentions préventives de longue durée et appelle « l’État et les magistrats à beaucoup user des alternatives à la détention », insiste son président du Conseil d’administration Paul Kouadio. Le Conseil national des droits de l’homme s’appuie sur une enquête réalisée du 10 au 14 juin 2024 et dont les résultats ont été dévoilés le 12 septembre. Selon cette enquête, plus de 12.000 prisonniers attendent d’être jugés dans la trentaine de maisons d’arrêt qui existent dans le pays, soit un peu plus de la moitié de la population carcérale du pays.

 

Des détentions préventives de 10 ans

Action des chrétiens pour l’abolition de la torture, l’Acat Côte d’Ivoire, appelle à un recours aux alternatives, notamment le placement sous contrôle judiciaire, prévues par le code de procédure pénale adopté en 2018, mais aussi à des moyens accrus pour la justice. Car « nous avons des détenus qui sont dans les prisons depuis 2012-2013. Détenir une personne qui n’est pas jugée en détention pendant plus de dix ans, vous voyez que là, c’est violer de façon ostentatoire le principe de la présomption d’innocence », dénonce le patron de l’Acat.

Pour lui, limiter le recours à la détention préventive c’est sensibiliser « l’État et les magistrats à beaucoup user des alternatives à la détention. Si les juges font recours au contrôle judiciaire, ça pourrait quand même décongestionner un peu nos prisons et puis atténuer le taux un peu trop élevé de cas de détentions préventives de très longue durée, en tout cas. »

Paul Kouadio réclame « plus de magistrats d’instruction ». Car « un magistrat d’instruction qui a plusieurs dossiers sur sa table, 300 dossiers pour régler ça en six mois ou en un an, humainement, ce n’est pas possible. Dans ces cas-là, qu’est-ce qu’il fait ? Naturellement, il y aura des dossiers qui vont traîner et puis aller au-delà des délais légaux de détention préventive mentionnés par le Code de procédure pénale », fait-il savoir.

En Côte d’Ivoire, le code de procédure pénale prévoit des délais de détention préventive maximum de 18 mois en matière correctionnelle et 24 mois en matière criminelle. Des délais dont l’Acat souhaite le respect, ainsi qu’une clarification du code de procédure pénale.