Le millionnaire algérien Ali Haddad n’est pas seulement l’homme de confiance de Said Bouteflika, le frère du président, mais aussi le poulain des puissants généraux Ahmed et Touati
«Les hauts responsables que je cotoie sont des gens que je connais depuis très longtemps», avait déclaré publiquement Ali Haddad, avant de devenir le tout puissant Président du Forum des Chefs d’entreprises (FCE) algériens, l’organisation patronale la plus puissante d’Algérie. Si Ali Haddad assume ses relations avec les « décideurs » militaires ou paramilitaires du régime algérien, le patron du deuxième groupe privé en Algérie (400 millions d’euros de chiffre d’affaires) n’a jamais expliqué en quoi ces réseaux ont facilité son ascension fulgurante.
Plus précisément, l’ami Haddad a toujours masqué ses relations d’affaires avec l’influent Général Mohamed Touati, connu en Algérie sous le nom d’ «El-Mokh» pour avoir été « le cerveau » de la nomenklatura militaire algérienne. Ali Haddad a aussi, longtemps, passé sous silence son «partenariat» avec le général Ahmed, l’un des hauts gradés les plus puissants du DRS, le service de renseignement algérien, impliqué dans le scandale de l’autoroute Est Ouest.
Touati, le parrain
En Algérie, ils sont nombreux à connaître la lune de miel qu’a vécue Ali Haddad avec le Général Mohamed Touati, originaire comme lui d’Azeffoun en Kabylie. Le militaire a rapidement accepté de nouer des affaires avec le «fils de son patelin». Aux débuts des années 2000, l’embellie des prix du pétrole permettait à l’Algérie de s’offrir de nouvelles infrastructures routières et publiques. Le pays accusait un grave retard après une décennie de guerre civile. Le général Touati avec ses entrées au sein du régime a pistonné le jeune Ali Haddad dans plusieurs chantiers financés par des fonds publics.
Le coup de maître fut l’appel d’offre de la place Addis Abeba à Alger, que son groupe, l’ETRHB, remporte en 2009, avant d’être chargé d’un autre projet au niveau de la deuxième rocade au sud d’Alger, un tronçon routier stratégique. La réalisation de l’évitement de la ville d’Azazga en Kabylie renforce encore davantage les capacités financières de l’entreprise d’Ali Haddad. Mais, ce dernier voit grand et veut plus. L’Algérie des années 2010 et 2011 veut se débarrasser de ses généraux «janvieristes», qui ont interrompu le processus électoral pour plonger le pays dans la guerre civile? Un Touati vieillissant n’a plus la cote? Ali Haddad le sent et se rapproche d’un certain Saïd Bouteflika, qui jouit de toute l’affection de son frère, Abdelaziz Bouteflika.
Mais au cours de l’année 2010, le même Haddad prend le soin aussi de se lier avec le puissant général Abdelkader Kherfi, alias «le général Ahmed». Ce dernier qui a succédé au général Smaïn Lamari, l’ex patron du contre-espionnage algérien décédé en 2007, était un proche du général Toufik, le patron du DRS, avant qu’il ne se rapproche du cercle présidentiel et notamment de Saïd Bouteflika.
Ahmed, « le Poclain »
A Alger, le général Ahmed, on l’appelait le «Poclain» en référence à l’engin utilisé dans les BTP et les travaux publics. Le «Poclain» parce que ce général apparaissait dans toutes les affaires. Il se permettait toutes les commissions ou rétrocommissions possibles et imaginables. Preuve en est, le général Ahmed avait joué un rôle controversé dans de nombreux scandales de corruption comme celui de l’autoroute est-ouest où il avait essayé, notamment, de manipuler le consultant Ghani Majdoub pour le convaincre de soutirer des pots-de-vin aux chinois de CITIC-CRCC, l’entreprise sélectionnée pour réaliser le «projet du siècle» à l’ouest du pays. Le général Ahmed avait instrumentalisé Réda Hemche, l’ex-PDG de Sonatrahc, dans le scandale de corruption qui avait éclaboussé la compagnie algérienne des hydrocarbures. Bref, le réseau du général Ahmed n’avait pas d’équivalent entre 2005 et 2011.
Ali Haddad entre en contact avec lui pour faire des affaires. Le général Ahmed en profite pour placer Ali Haddad sur le tronçon de 73 km reliant Khemis Miliana à Oued Fodda faisant partie de l’autoroute Est-Ouest. Grâce à ce projet, Ali Haddad fait entrer l’ETRHB dans la cour des grands. En contrepartie, le général Ahmed reçoit un prestigieux cadeau de la part d’Ali Haddad : une magnifique villa située sur les hauteurs d’Alger dans le quartier chic de Poirson dont le prix est de 2 millions d’euros.
Après avoir bouclé ce projet, l’entrepreneur kabyle, aidé par le général Ahmed, se lance à la conquête du BTP algérien. Une conquête qui se concrétisera avec le projet du nouveau stade de Tizi-Ouzou lancé en 2010 et qui devra être livré au cours de l’année 2016. Un chantier qui avance avec beaucoup de retards. Mais, le puissant Ali Haddad, n’a de compte à ne rendre à personne ! L’ancien ministre de la jeunesse et des sports, Ahmed Tahmi qui a osé menacer Ali Haddad de résilier le contrat avec son entreprise à en juillet 2014 sera remis à sa place par le gouvernement. Ali Haddad lui avait sèchement répondu : «Je ne te reconnais aucun pouvoir» !
Les ministres sur la touche
Protégé par Saïd Bouteflika et ses amis les généraux, Ali Haddad ne craint personne. Il snobe ses concurrents et écrase ses adversaires. En 2011, Ali Haddad espère que son ami, le général Ahmed, résussira à succéder au général Toufik. Hélas, averti par le général Khaled Nezzar, le célèbre ancien ministre de la Défense algérien, le général Toufik riposte et déjoue le complot du général Ahmed. Ali Haddad demande alors aux Bouteflika d’accorder au géénral un poste à la Présidence en guise de consolation. Abdelaziz Bouteflika refuse le deal et dis à son frère : «quelqu’un qui a trahi auparavant ses chefs, il nous trahira à notre tour».
Mis sur la touche, le général Ahmed ne perd pas tous ses privilègest. Pour preuve, il soutient la controversée entreprise française CMA CGM dans ses péripéties avec les autorités algériennes. Et en contrepartie, il obtient un méga-crédit de près de 10 millions d’euros de la FRANSABANK El Djazaïr, une banque libanaise lancée en Algérie en 2006 et dont 25 % du capital sera racheté plus tard par la fameuse CMA CGM.
Ali Haddad et le général Ahmed se fréquentent toujours. Et lorsque l’homme d’affaires kabyle rachète l’USM d’Alger, le célèbre club de football algérois, il invite régulièrement son ami le général Ahmed à la tribune d’honneur.
Ali Haddad sait renvoyer les ascenseurs…