Des présidentielles françaises sous le sceau de la françafrique

Près de 60 ans après les indépendances des pays africains, la françafrique sortira une nouvelle fois gagnante des élections présidentielles françaises du 7 mai 

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Fondateurs du site relafrica2017.fr, Nicolas Keraudren, journaliste et José De Oliveira, communiquant ont étudié, ces derniers mois, le programme Afrique des candidats français aux présidentielles de 2017.
« La France va continuer de chérir ce bijou [qu’est l’Afrique], en ce qu’il continue de lui procurer l’illusion de la puissance ». Le journaliste René Naba, patron de la rédaction d’Afrique-Asie, en est convaincu, faisant valoir à l’appui de son affirmation que «l’Afrique est le seul continent où la France dispose encore d’une relative marge de manœuvre ».
« Avec Marine Le Pen, dont le parti se repaît de xénophobie, de chauvinisme et de populisme, les africains continueront de pâtir du comportement des français à leur égard. Une eventuelle élection de Marine Le Pen sera un véritable test pour les dirigeants africains, à savoir comment se comporteront-ils avec une dame qui méprise les africains. Avec Emmanuel Macron, les choses se feront en douceur, mais il paraît exclu une révision déchirante de la traditionnelle politique africaine de la France», soutient-il.
C’est pourtant l’inverse que réclament plusieurs représentants de la société civile en Afrique. Pour Maki Houmed-Gaba, représentant en France de l’Union pour le Salut National (USN), « Djibouti a besoin d’une majorité politique en France qui ne soit plus issue des formations marquées par les automatismes françafricains afin de réinterroger son soutien au gouvernement d’Ismaël Omar Guelleh ».
Au Gabon, Laurence Ndong, porte-parole de l’opposant gabonais Jean Ping et membre du collectif Tournons la Page, affirme « qu’Emmanuel Macron pourrait se démarquer de son prédécesseur en confirmant les propos qu’il a tenu ». Pour rappel, Emmanuel Macron avait déclaré sur RFI que l’élection d’Ali Bongo lui semblait «pleine d’incertitudes et d’inconnus».
Laurence Ndong affirme à cet égard que « Jean Ping et les Gabonais attendent du nouveau locataire de l’Élysée une reconnaissance de la souveraineté du peuple gabonais, en invitant Ali Bongo Ondimba à rendre le pouvoir qu’il usurpe depuis 8 mois maintenant ». Un rapport de la mission d’observation électorale de l’Union Européenne au Gabon avait le 12 décembre 2016 « mis en exergue les défaillances importantes du processus électoral ».
Louis Aliot, le vice-président du Front National (FN), s’était pourtant empressé de clamer sur les ondes de RFI la fin de la françafrique si Marine Le Pen était amenée à devenir la prochaine présidente. Une déclaration nuancée par Laurence Ndong qui s’est offusquée de la visite de Marine Le Pen au Tchad en mars 2017.
Selon elle, l’arrestation de plusieurs militants pacifistes de la société civile par le régime d’Idriss Déby, « n’est pas un exemple de démocratie ». Ces militants dont le procès s’ouvre le 4 mai 2017, ont « été torturés pendant leur détention » rapporte le collectif Tournons la Page.
Sur le plan économique, l’une des principales mesures annoncée par la candidate du FN est « la sortie progressive du franc CFA et son remplacement par un système négocié entre les pays africains ».
Selon les enseignants en sciences économiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Ahmadou Aly Mbaye, Ibrahima Thione Diop et Fatou Gueye, « faire croire aux populations africaines que tous leurs problèmes sont expliqués par leur appartenance à la zone Franc, ne nous semble pas tout à fait approprié ». Même s’il s’agirait d’un geste salutaire.
Lors de sa visite en Algérie, Emmanuel Macron avait insisté « sur le développement de partenariats économiques dans le domaine de l’énergie et en particulier dans le solaire ». Régis Essono, responsable du groupe Afrique d’Europe Écologie Les Verts (EELV), estime, quant à lui, que « ces belles déclarations sur la transition écologique sont contredites, entre autres, par l’appui [du candidat du mouvement En Marche!] au nucléaire, par son soutien au CETA et son absence de fermeté sur le gaz de schiste »
 Selon lui, « le programme d’Emmanuel Macron reste profondément marqué du sceau d’un libéralisme peu compatible avec une vraie politique écologique ».
Chez Emmanuel Macron, « trop d’éléments indiquent que dans les relations avec l’Afrique les enjeux commerciaux continueront à largement l’emporter sur les considérations environnementales et climatiques, mais également de privilégier de fausses bonnes solutions écologiques, comme par exemple l’approche AIC (agriculture intelligente face au climat) ou l’initiative 4 pour 1000, qui profitent plus aux grandes entreprises occidentales qu’elles n’aident les pays africains à relever les défis de l’atténuation et de l’adaptation au changement climatique ».
Ces ambiguïtés dans le programme d’Emmanuel Macron résonnent fortement avec « la protection des intérêts des grands groupes industriels français dont Areva au Niger, Total au Gabon, Bolloré au Cameroun et les ports de l’Afrique occidentale, enfin Bouygues dans la téléphonie africaine » selon René Naba.
Une vision confirmée dans un article publié sur Reporterre.net par la directrice de l’association Bloom , Claire Nouvian, pour qui Emmanuel Macron « n’a ni culture, ni souci de l’écologie ».
Avec Marine Le Pen, « les dommages seraient trop grands » pour l’environnement selon Claire Nouvan.  « Le programme écologique du FN ressemble plus à un gloubi-boulga où l’incohérence se dispute à l’insapide » poursuit Régis Essono.
Le responsable du groupe Afrique d’EELV note par ailleurs que « concernant l’Afrique, le FN ne dit quasiment rien et se réfugie derrière un appel à appliquer l’accord de Paris sur le climat alors même que nombre de points de son programme vont à l’encontre des objectifs de cet accord. L’Afrique n’est quasiment abordée que par le biais de la promotion d’un prétendu codéveloppement qui n’est rien d’autre que l’habillage de son idéologie anti-immigration ».
Les positions xénophobes de la candidate du FN ont d’ailleurs éclaboussé sa campagne.
« Si elle était élue présidente, les implications sur l’avenir des bases militaires [de la France à Djibouti]  ne sont pas prévisibles » explique le représentant en France de l’USN. Il poursuit : « la présence de la France à l’étranger pourrait être réduite à son minimum pour les représentants civils ou militaires, car ils pourraient faire l’objet de rejet par les populations locales très au fait des clivages français ».
En ce qui concerne Emmanuel Macron, Maki Houmed-Gaba estime que « le soutien officiel apporté par le ministre Le Drian, laisse présager une certaine continuité de la politique militaire de la France à Djibouti ».
Retrouvez dans notre série infographique « Africalaxie », ceux qui font le réseau d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen en Afrique.

 

Pour en savoir plus sur le programme Afrique des candidats à la présidentielle voir le site :

http://www.relafrica2017.fr/

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