L’oncle du président syrien jugé en Suisse pour crimes contre l’humanité

Rifaat al-Assad, ancien vice-président de la République arabe syrienne et ancien général de l’armée syrienne, devrait être jugé en Suisse pour des faits qui remontent en 1982 dans la ville de Hama. Agé de 86 ans, établi en Syrie, il ne viendra très vraisemblablement pas se faire condamner pour « crimes de guerre » et « crimes contre l’humanité » dans la Confédération. 

Par Ian Hamel, à Genève

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Pourquoi la Suisse peut-elle condamner un étranger, qui est soupçonné d’avoir tué des milliers d’étrangers, dans un pays étranger ? C’est au nom du principe de « compétence universelle » qui permet aux États d’enquêter sur de personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes internationaux, indépendamment du lieu où les crimes ont été commis et de la nationalité des personnes suspectes ou des victimes », explique Trial International. C’est cette ONG qui a dénoncé à la justice suisse Rifaat al-Assad en 2013, alors que ce dernier séjournait à l’hôtel Métropole à Genève (1). 

Le Ministère public de la Confédération (MPC) a alors ouvert une procédure pénale contre l’ancien commandant des Brigade de défense, pour « soupçon de crimes de guerre », commis en sa qualité de commandant des opérations à Hama en février 1982. Il y a un peu plus de quarante ans aujourd’hui. Le vice-président aurait été impliqué dans « des meurtres, des actes de torture, des traitements cruels et des détentions illégales ».

Surnommé le « boucher de Hama », Rifaat al-Assad est soupçonné d’avoir joué un rôle majeur dans le massacre de 10 à 40 000 personnes, tuées en l’espace de trois semaines. Le pouvoir syrien réprimait ainsi dans un déluge de sang une révolte fomentée par les Frères musulmans.  

La Légion d’honneur des mains de Mitterrand     

Au nom de ce principe de « compétence universelle », la Suisse a voulu précédemment juger Khaled Nezzar, le ministre algérien de la Défense de 1992 à 1994. Mais ce dernier est mort en décembre 2023, avant l’ouverture de son procès. De son côté, l’oncle de l’actuel président syrien Bachar al-Assad est revenu en Syrie en octobre 2021, après un long exil. Aujourd’hui âgé de 86 ans, il ne reviendra très certainement pas en Suisse pour se faire condamner. Longtemps installé en France, Rifaat al-Assad a quitté précipitamment le pays après un condamnation à quatre ans de prison pour « blanchiment en bande organisée, détournements de fonds publics et fraude fiscale aggravée ». Selon le quotidien suisse Le Temps, l’ancien pilier du régime syrien a réussi « à quitter la France à la dérobée et à repartir en Syrie, sans doute avec un discret aval diplomatique français », écrivait-il le 16 août 2022 (2).

Pour mémoire, le Frère de l’ancien président syrien avait reçu la Légion d’honneur en 1986 des mains du président Mitterrand pour « services rendus à la diplomatie française au Moyen-Orient ». Rifaat Al-Assad, né en août 1937, vice-président de la Syrie de 1984 à 1998, avait été contraint de fuir son pays en 1984 après un putsch manqué contre son frère. Apparemment son neveu, l’actuel président syrien, a fini par lui pardonner cette “incartade“. Il ne devrait donc pas l’extrader si la justice helvétique lui en faisait la demande.   

  • Trial international : « L’ancien président syrien Rifaat al-Assad sera jugé en Suisse pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité », 12 mars 2024.
  • Luis Léma, « La Suisse veut obtenir l’extradition de Rifaat al-Assad, l’oncle du président syrien ».