Couacs, mauvais signaux, nominations controversées… Au PDCI, le temps de grâce est déjà passé pour Tidjane Thiam qui a pris la tête du Parti le 23 décembre 2023. Lui qui se verrait volontiers comme un possible successeur du président Ouattara est déjà confronté à ses premiers opposants internes.
Bati Abouè
Le président du PDCI n’avait certainement pas prévu cela : accumuler autant de mauvais signaux en si peu de temps, alors qu’il avait été porté au pinacle, le 23 décembre 2023, par tout le peuple du vieux parti. Pourtant, les faits sont là ; le 5 mars, publiant la liste des instances du parti, l’on s’est en vite rendu compte que Tidjane Thiam avait nommé plusieurs personnalités ayant rallié le parti au pouvoir fin 2022 et début 2023. Il s’agit de Basile Gouali Dodo et de Raymond Yapi N’dohi. Le premier a été promu haut représentant du président du PDCI dans le District du Haut-Sassandra-Marahoué tandis que le deuxième a été nommé conseiller du Haut-représentant Abidjan-Lagunes.
Choqués, tous les deux se sont plaint de ces nominations, en particulier Gouali Dodo qui a conclu que le nouveau président du PDCI montre qu’il ne connait pas le parti qu’il dirige. Autre signe que Tidjane Thiam n’a pas consulté les personnes qu’il a promues, Jean-Louis Billon a, lui aussi, fait défection. Dans un courrier, le secrétaire exécutif chargé du secteur privé explique sa sortie du secrétariat exécutif avait déjà été planifiée avec Bédié, lequel en avait pris acte.
Opposition interne
Ces mises au point ou défection soulignent les braises qui couvent sous le vieux parti. Car même s’il a été porté par un courant d’adhésion presqu’inégalé, Tidjane Thiam n’est pas l’homme qu’attendaient les Baoulé, ethnie majoritaire dans le parti. D’autant plus qu’avant de mourir, le président du parti qui allait sur ses 90 ans avait désigné son ancien ministre de l’énergie, Thierry Tano comme son successeur au peuple baoulé. Ce mode de succession au sein du parti fait partie de l’héritage ethnique inculqué par Houphouët-Boigny, qui fut le premier président du PDCI.
Or, tout s’est accéléré depuis le 1er août 2023 à la mort du président du parti. Alors que Tidjane Thiam venait d’être réintégré au sein du comité exécutif et n’avait de toute évidence pas l’ancienneté nécessaire pour prétendre à la succession du président décédé, une campagne médiatique s’est mise en place pour faire de l’ancien ministre du plan le futur candidat du PDCI. Trois des quatre candidats déclarés finissaient d’ailleurs de renoncer à leur candidature à son profit dont Maurice Kakou Guikahué, secrétaire exécutif en chef et increvable bras droit du président Bédié.
Le jour du vote, la grande salle de la Fondation Houphouët-Boigny de Yamoussoukro était alors pleine à craquer. Et Tidjane Thiam faisait d’une bouchée le maire de Cocody, Jean-Marc Yacé, son adversaire du jour, en recueillant 96,48% des suffrages exprimés. Mais à peine trois mois plus tard, la grande rencontre avec les populations de Yamoussoukro dans ce même lieu tournait au fiasco, Thiam étant obligé d’annuler la rencontre pour cause de salle vide avant de filer à l’anglaise à Mama, dans le village du président du Parti des peuples africains (PPA-CI), pour une rencontre avec Laurent Gbagbo. Le jeudi 7 mars, la nomination des membres du bureau du président se terminait par un incroyable imbroglio avec d’une part la nomination des cadres qui n’étaient plus militants du PDCI, la démission médiatisée de Jean Louis Billon et, d’autre part, le départ de Maurice Kakou Guikahué du secrétariat exécutif en chef attribué au maire de Port-bouët Sylvestre Emmou qui a mené la campagne victorieuse du candidat Thiam.
Dans le parti, la cure de jouvence imprimée aux instances ne sera pas sans conséquence, car le PDCI a toujours été un parti de gérontocrates. De nombreux hiérarques tel qu’Alphonse Djédjé ont perdu leur place et un nouvel univers hiérarchique a été mis en place pour donner plus de relief et d’efficacité au parti. Depuis l’arrivée de Tidjane Thiam, 4000 nouveaux militants auraient d’ailleurs rejoint les rangs du PDCI.
Thiam drague la gauche
Mais le président de Tidjane Thiam lorgne également du côté de la gauche ivoirienne totalement émiettée depuis le coup de poker menteur de Laurent Gbagbo qui a créé le PPA-CI parce qu’il n’arrivait pas à reprendre le FPI à Pascal Affi N’guessan largement aligné aujourd’hui sur les positions du parti au pouvoir. Après avoir rencontré Laurent Gbagbo le 24 février dernier, le président du PDCI a ainsi rencontré Simone Gbagbo, le jeudi 7 mars à son domicile de la Riviera-golfe. Ces rencontres visent à impliquer la classe dirigeante de l’opposition dans l’organisation des funérailles d’Henri Konan Bédié prévues fin avril. L’ancien président du PDCI avait une alliance électorale avec Laurent Gbagbo mais pour l’heure, nul ne sait si cet accord tiendra puisque l’omerta de Thiam à ce sujet est totalement indéchiffrable.