La guerre que mène Israël contre Gaza impose aux États du Moyen-Orient des postures de réconciliateurs. Face à l’échec du président Biden pour imposer une ligne rouge au premier ministre Israélien, Benyamin Netanyahou, les quatre pays les plus influents dans la région -l’Iran, Arabie Saoudite, Egypte, Turquie- sont contraints de dessiner une nouvelle carte géopolitique. Ainsi assiste-t-on au dégel diplomatique entre l’Egypte et la Turquie, lors d’une visite récente du Président Erdogan au Caire. Sur fond de rapprochement spectaculaire entre l’Iran et l’Arabie Saoudite.
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Si la guerre au Moyen Orient a mis fin au rapprochement entre l’Arabie Saoudite et Israël, le Royaume séoudien cherche désormais à améliorer sa relation avec l’Iran. Longtemps considéré comme l’ennemi public numéro et susceptible d’étendre l’influence chiite au-delà de ses frontières, l’Iran amorce une diplomatie rassurante avec ses voisins des monarchies sunnites du Golfe. C’est dans le cadre d’une mutation géostratégique générale qu’Iraniens et Séoudiens intègrent conjointement le bloc des BRICS.
La réconciliation entre le président Egyptien le maréchal Sissi et le président Erdogan s’inscrit dans ce nouveau jeu des alliances au Moyen Orient. Le niveau protocolaire de l’accueil du chef d’état turc à l’aéroport international du Caire dénote la volonté des deux chefs d’Etats d’enterrer leurs contentieux. Le coup de force du général Sissi qui renversait en 2014 le président Morsi proche des Frères Musulmans ainsi que des stratégies opposées des deux pays en Libye avaient radicalement éloigné les deux pays l’un de l’autre.
Inquiétudes américaines
La normalisation entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, entamée sous les bons offices de la Chine, s’accélère à grands pas. Le rapprochement diplomatique s’est vite entré dans une phase de coopération sécuritaire. Un vrai cauchemar pour les Américains mais aussi pour les Israéliens. La récente visite de l’ambassadeur Saoudien à Téhéran au ministère de la défense Iranien n’est pas passée inaperçue. Elle s’est concrétisée, dans une première phase, par une coopération dans le domaine de la défense et de sécurité.
La visite, il y a une dizaine de jours, d’une délégation d’officiers iraniens de haut rang à Riadh dans le cadre de l’exposition de défense organisée dans la capitale saoudienne n’est pas passée inaperçue. Fin décembre 2023, une conversation téléphonique entre le chef d’État major de l’armée iranienne Abdelorahim Moussavi et le ministre de la défense Saoudien Khaled Ben Salman, frère du prince héritier, aura été un prélude à une coopération dans le domaine de défense.
Le très informé quotidien saoudien Okaz, réputé proche du palais séoudien, décrit les conditions de ce rapprochement par la signature prochaine d’un accord de non-agression comme prélude à une normalisation complète. Les Iraniens ont évoqué dans cet accord, encore en gestation, de ne pas offrir à une partie tierce d’utiliser des bases présentes dans les pays réciproques pour attaquer l’autre partie.
L’Arabie Saoudite a récemment refusé l’usage de son espace aérien aux avions de guerre américains présents sur leur territoire pour frapper des groupes armés, chiites proches de l’Iran, en Syrie et en Irak et au Yémen. Et de manière réciproque, l’Iran de son côté rassure son nouveau partenaire que les armes des Houtis au nord du Yémen ne seront jamais utilisées contre le royaume saoudien tant que celui-ci n’intègre aucune coalition internationale dans le détroit de Bab Al Mandab
Un nouvel axe turco-égyptien
La visite récente d’Erdogan au Caire constitue un tournant dans les relations entre les deux pays. Engagés dans des camps opposés en Libye, en Syrie, et au Soudan, ils convergent progressivement leurs efforts pour infléchir la position américano-européenne dans la guerre meurtrière qui se déroule à Gaza. Il est aussi question de coopération dans le renseignement en vue d’arriver à un cessez le feu et ouvrir un processus de négociation pour la libération des otages dont Qatar avait l’exclusivité.
Il n’est pas exclu que le petit émirat se joigne à l’initiative car le principal objectif est de contenir la guerre et éviter son extension au sud Liban et à d’autres régions de moyen orient (Irak, Syrie). La visite du mardi 13 février d’une délégation israélienne au Caire, en présence des qataris, n’a rien donné.
Les bombardements au sud de Gaza, à Rafah, constituent une menace directe pour la sécurité nationale d’Egypte. Le déplacement de plus d’un million de gazaouis vers le Sinaï est considéré comme « une agression contre l’Egypte ». D’où la possibilité du gel des accords de camp David.
Pour Erdogan, le rapprochement avec Sissi vise au-delà de l’arrêt de l’agression meurtrière à Gaza. Le président turc a annoncé que son pays était prêt à coopérer avec l’Égypte pour la reconstruction de Gaza. Il s’est engagé à porter les échanges commerciaux avec l’Égypte à 15 milliards de dollars à court terme. La vision turque sur le moyen orient a opéré un virage très significatif. Le président turc s’est réconcilié avec l’émirat arabe uni, l’Arabie saoudite et maintenant l’Egypte. Il ne lui reste que la Syrie. C’est le retour à la doctrine zéro ennemi, chère à Ahmet Davotuglu. La démarche turque s’inscrit dans une considération de géo stratégie globale au moyen orient qui impose une abstraction des différents géopolitiques passés.