La présence russe se renforce en Libye

Les observateurs internationaux n’ont attendu que quelques semaines pour avoir une réponse à leurs interrogations concernant le devenir des membres du groupe paramilitaire russe Wagner en Afrique, après la disparition fin août de leur leader Evgueni Prigojine. 

Mourad Sellami, El Watan

Vladimir Poutine a chargé l’un de ses fidèles, le vice-ministre de la Défense, Lounus-Bek Yevkourov, de cette gestion de la tête de pont de l’influence russe en Afrique. 

Ce sera désormais le bataillon africain de l’armée russe, et il est présent notamment dans cinq pays, à savoir la Libye, le Mali, la Centrafrique, le Burkina et le Niger. Yevkourov n’a pas tardé à faire ressortir ce projet de contingent africain, relevant directement de l’armée russe et dont l’ossature est constituée par les anciens de Wagner. 

Des appels à candidatures de «mercenaires» ont vite circulé sur les réseaux en Russie, avec des offres de paiements à l’étranger et en devises fortes, comme ce fut le cas avec Prigojine. Le vice-ministre russe s’est même régulièrement envolé depuis septembre dernier dans les pays concernés pour rassurer leurs dirigeants de la poursuite du soutien du Kremlin et examiner les perspectives futures de coopération. 

Dans cette optique de renforcement de sa présence en Afrique subsaharienne, la Russie compte asseoir une logistique appropriée, aérienne et navale, à partir de l’est de la Libye. 

Et pour appâter Khalifa Haftar, Yevkourov lui a offert de développer les capacités de défense antiaérienne de son armée, dont la faiblesse l’a obligé à se retirer des environs de Tripoli en 2020, lorsque Al Sarraj a fait appel aux Turcs et leurs drones. La Russie ne cesse d’essayer de convaincre Haftar de la nécessité de rénover la logistique des anciennes bases aériennes de Gueddafi et de mettre une base navale à Tobrouk ou Benghazi à la disposition de l’armée russe. 

Si ce projet est réalisé, les Russes disposeraient d’un relais en Méditerranée occidentale et offriraient à Haftar une assise militaire solide, nécessaire pour mieux négocier avec ses concurrents à l’Ouest libyen. Concernant les pays africains, les Russes ont offert des contingents gratuits de 25 000 tonnes de céréales au Burkina, Niger et Mali, dans le cadre de l’annonce faite par le président Poutine lors du dernier sommet russo-africain à Saint-Pétersbourg. 

L’éventuelle présence russe en Libye limitrophe pourrait également l’aider à assister plus rapidement ses alliés africains dans la région. De tels agissements du Kremlin dans l’Est libyen inquiètent Washington et ses alliés, et c’est ce qui explique les navettes de l’ambassadeur américain Norland auprès de Haftar. Norland n’a pas raté une occasion pour insister sur le devoir de préserver la souveraineté libyenne, en allusion claire aux rumeurs persistantes concernant la base navale russe. 

Attentes africaines

Les Russes ont retenu la leçon des déconvenues françaises en Afrique subsaharienne. Le Mali, le Niger et le Burkina sont restés à leur état d’instabilité et de pauvreté, malgré la quasi-mainmise française durant des décennies. Il est donc simple d’accuser la France d’être à l’origine des déboires subsahariens et de s’attaquer aux symboles français dans cette zone. 

Les Russes ont donc offert la stabilité via Wagner, d’abord, et le contingent africain, aujourd’hui. Ils offrent également des contingents gratuits de céréales, dont les prix ont flambé et sont désormais hors de portée. Ce qui est nouveau avec les Russes, tout comme pour les Chinois, c’est qu’ils réclament l’exploitation pour une durée déterminée des sites qu’ils ont édifiés, s’il s’agit d’un port ou d’une ligne de chemin de fer. Ils échangent la sécurité offerte contre une exploitation minière, surtout l’or ou le pétrole pour le Mali, le Niger ou le Burkina. 

«Les Subsahariens en ont assez des Français ; ils vont recevoir de nouveaux services et ne vont rien casquer de plus», explique le politologue libyen Ezzeddine Aguil. Concernant la Libye, l’équation est beaucoup plus complexe lorsqu’on parle de base navale russe, surtout lorsqu’on connaît l’influence des Emiratis sur le camp Haftar, et qui dit Emirats, dit Etats-Unis. Attendons voir !

*Source : El Watan (Algérie)

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