Après plusieurs épisodes qui ont rendu incertaine la succession de Bédié, décédé le 2 août dernier, le parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) a finalement réussi à faire élire Tidjane Thiam à sa tête alors que l’ampleur des résultats montre à quel point il était l’ultra-favori de cette élection.
Correspondance Z. Bati Abouè
La page Bédié a enfin été refermée. Après plusieurs épisodes judiciaires et d’incroyables retournements qui ont failli reporter à la saint glin-glin le 8è congrès extraordinaire du PDCI, Tidjane Thiam a enfin été élu dans la nuit du vendredi 22 décembre à Yamoussoukro, sur les terres du fondateur du Parti, et au terme d’un scénario écrit d’avance. Son adversaire, Jean-Marc Yacé, maire de la commune de Cocody, n’a pu rivaliser, obtenant seulement 134 voix face à l’ultra-favori du scrutin, Tidjane Thiam, crédité de 4001 voix.
L’enjeu même du congrès extraordinaire était de toute façon ailleurs. Depuis le renversement d’Henri Konan Bédié par un coup d’état militaire, le PDCI n’a plus retrouvé les ors du pouvoir, lui qui avait pourtant dirigé sans discontinuer la Côte d’Ivoire de 1960, date de l’indépendance du pays au 24 décembre 1999, celle du coup d’état du général Guéï qui sonna le glas du parti démocratique de Côte d’Ivoire. Pour revenir au pouvoir, l’ancien parti d’Houphouët-Boigny a donc misé sur l’entregent de l’arrière petit neveu de son père-fondateur, ses bonnes adresses, ainsi que sur ses relations avec Emmanuel Macron, le président français. Dès lors, tout a été fait pour construire son triomphe.
Alors qu’il ne remplissait aucun des critères retenus pour se faire élire président du parti, Tidjane Thiam, coopté seulement en mars dernier par Bédié sur la liste des membres du bureau politique du PDCI, a vu ses adversaires contraints un à un à le rallier. Surtout Maurice Kakou Guikahué, vice-président et secrétaire exécutif du Parti au moment des faits, obligé par le comité de conciliation à renoncer à sa candidature en raison d’une pendante procédure de contrôle judiciaire. Cette laisse prétendue n’avait pourtant pas empêché Guikahué de se faire élire député dans sa circonscription électorale et d’être désigné vice-président du parlement par ses pairs députés.
Autre signe des temps, le comité électoral qui devait se prononcer sur la validité des différentes candidatures n’a jamais eu droit au chapitre, à plus forte raison publier un document dans lequel il se prononce officiellement sur les différents dossiers de candidatures. Bref, tout a été fait pour organiser une marée verte en faveur de Tidjane Thiam qui n’a pourtant aucune expérience en politique et qui doit désormais, maintenant qu’il est à la tête du parti, s’habituer à nager dans les eaux souvent glauques de la politique ivoirienne. D’ailleurs, pour composer son cabinet, il devra gérer toutes les contradictions mises en sourdine pour le faire élire et tenter, puisque c’est aussi là qu’il est attendu, de réformer un parti réputé pour son personnel trop âgé.
Enfin, le nouveau président du PDCI va devoir financer à lui seul le parti comme le faisait déjà Henri Konan Bédié son prédécesseur en raison de la perte du pouvoir et, pour ce qui est de Thiam, dans un contexte de précarité générale qui frappe la plupart de ses militants majoritairement sans travail et victimes, comme les autres, de la théorie de la préférence nordique élaborée par le pouvoir. Au terme de cette théorie, tous les postes d’emploi sont dévolus en priorité aux ressortissants du nord de la Côte d’Ivoire. C’est donc au milieu de tous ces impondérables, que l’arrière petit neveu d’Houphouët devra naviguer pour rendre le pouvoir au PDCI qui a déjà passé 24 ans dans l’opposition à attendre ce merveilleux jour.