Gilles Aillaud voulait être philosophe et il est devenu peintre. Mais un peintre engagé contre toutes les formes de pouvoir et l’artificialisation du monde. Pour cela il choisit de représenter des animaux enfermés dans des zoos et ce n’est que lors de son voyage au Kenya en 1988-1989 que ceux-ci échappent à un environnement façonné par l’homme. Gilles Aillaud, Animal politique est au Centre Pompidou à Paris jusqu’au 26 février.
Une chronique de Caroline Chaine
Né en 1928, après des études de philosophie et de dessin, il est recalé à l’École Normale Supérieure. Il sera donc peintre et adhère dans les années 60 au groupe Figuration narrative opposé à toute forme d’abstraction, au Pop Art et au Nouveau Réalisme.
Avec Eduardo Arroyo, Gerard Fromanger, Antonio Recalcati, Jacques Monory,… ce mouvement contestataire du capitalisme annonce les évènements de Mai 68 en France.
Ses animaux enfermés dans les zoos sont sa manière de contester. « Lorsque je représente des animaux toujours enfermés ou « déplacés », ce n’est pas directement la condition humaine que je peins. L’homme n’est pas dans la cage sous la forme du singe mais le singe a été mis dans la cage par l’homme. C’est l’ambiguïté de cette relation qui m’occupe et l’étrangeté des lieux où s’opère cette séquestration silencieuse et impunie. Il me semble que c’est un peu le sort que la pensée fait subir à la pensée dans notre civilisation. » Le Python s’enroule comme un tuyau d’arrosage, le pelage de l’ours ressemble au carrelage du sol, l’éléphant est derrière sa barrière de clou amputé de la moitié de son corps.
Le génie mimétique des animaux africains
Lors de son voyage au Kenya, il réalise l’Encyclopédie de tous les animaux y compris les minéraux. Il les dessine dans leur environnement naturel, un par jour. Son éditeur Frank Bordas lui procure des plaques lithographiques pour en faire des gravures et son ami, écrivain et poète, Jean Christophe Bailly écrit un texte pour chaque lithographie. Une référence à l’Histoire naturelle, générale et particulière de Buffon au XVIII ème siècle. Aillaud découvre au cours de ce séjour le génie mimétique des animaux africains. « Ils dupliquent les couleurs et les contours de la nature jusqu’à disparaitre avec elle. Les animaux et le paysage se fondent dans une unité ». La girafe est dans les frondaisons, les éléphants disparaissent dans le lointain.
Avec ses représentations politiques des animaux, Aillaud s’applique à « peindre philosophiquement ». Les animaux africains sont réconciliés avec la nature et échappent ainsi à un environnement façonné par l’homme. Ce qui est important pour lui, c’est notre relation à la nature.