L’expédition libyenne du mentor de Benalla, Philippe Hababou Solomon

Fin mars 2O14, un vrai feuilleton a eu lieu dans les eaux internationales de la Méditerranée en raison de l’affrètement illégal du tanker « Morning Glory » par l’Emir auto proclamé de Cyréanïque, Ibrahim Jadran. Homme de l’ombre et conseiller spécial à l’époque de Jacob Zuma, Philippe Hababou Solomon était directement impliqué dans cette opération commando aux cotés des rebelles de l’Est libyen.  Or c’est le même homme qui aujourd’hui introduit Alexandre Benalla auprès de plusieurs chefs d’état africains comme Déby et Sassou.

C’est dans un palace parisien, à deux pas des Champs Elysées, que nous avons rendez-vous en ce début d’année 2014 avec Philippe Hababou Solomon, devenu, ces dernières années, un des principaux sorciers blancs en Afrique, après avoir été longtemps le sulfureux consul honoraire  de Centrafrique en Israël. Cet homme d’affaires inventif au passé tumultueux que l’on croise à Tel Aviv, à Londres, au Caire ou encore à Pretoria, est devenu en effet le « conseiller spécial » du président sud africain, Jacob Zuma, pour les pays africains francophones.

Et ce n’est pas le seul atout désormais de Philippe Hababou Salomon. Cet homme rond et volubile joue désormais un rôle clé en Libye, où il donne un coup de main à l’Emir Ibrahim Jadran, qui a fait main basse sur une grande partie du pétrole libyen et revendique l’autonomie de la Cyréanique. A ce titre, cet intermédiaire discret aura été, ces dernières semaines, l’homme orchestre de l’affrètement illégal du « Morning Glory », le tanker libyen de pétrole que Jadran voulait commercialiser, sous pavillon nord coréen, pour son propre compte.

L’affaire du Tanker aura coûté sa place au Premier ministre Zeidan, exilé désormais en Europe. Faute de véritable pouvoir à Tripoli, les forces spéciales américaines ont du intervenir, sur ordre direct du président Obama, pour ramener le bateau à bon port. En toile de fond, apparait clairement désormais la lutte implacable entre l’émir Ibrahim Jadran, fort de ses 20000 miliciens et de l’appui du nouveau pouvoir égyptien, et le gouvernement central de Tripoli, dominé par les islamistes d’Abdelhakim Belhadj.

ENTRETIEN avec PHILIPPE SABABOU SALOMON, 

conseiller spécial du président Jacob Zuma.

Mondafrique : Vous affirmez que le tanker appartenait aux hommes de Ibrahim Jadran. Comment se l’est-il procuré ?

Philippe Solomon : C’est simple, Jadran contrôle l’Est du pays, il dispose d’importants stocks de pétrole. Il s’oppose au gouvernement de Tripoli qui affirme que la marine et l’armée libyennes détruiront tout bateau non autorisé dans les eaux territoriales libyennes. Du coup, personne au monde ne voulait envoyer de Tanker. L’Arabie Saoudite, qui s’oppose au Qatar soutien des Frères Musulmans libyens, entre en jeu et vend le bateau à Jadran.

Le « Morning Glory » n’a pas du tout été obtenu illégalement, comme l’ont déclaré le Pentagone et la presse internationale. Et dire que le pétrole a aussi été obtenu illégalement, c’est tomber dans le panneau de la Compagnie nationale libyenne, vérolée par les Frères musulmans, à qui s’oppose Jadran dans son combat politique pour un Etat fédéral.

Mondafrique : A qui le pétrole devait être finalement livré?

P.S : A personne vraiment, la mise en sercice du tanker représentait d’abord une épreuve de force. Jadran voulait montrer au monde que l’ancien Premier ministre Zeidan ne représentait rien et mentait du matin ou soir. Zeidan disait « notre aviation et notre Navy vont couler tout bateau. Nous démontrions l’incapacité du pouvoir de Tripoli de mettre à éxécution ses menaces.

Mondafrique :  Pouvez vous raconter l’aventure du tanker une fois qu’il a quitté son port d’attache?

P.S : Ce sont des islamistes de Benghazi qui attaquent le bateau. Jadran controle une grande partie de l’est, mais pas la ville de Benghazi elle même. Heureusement, l’OTAN débarque, sauve le bateau en chassant les islamistes et l’escorte en Grèce. Belhadj qui dirige tout, fait passer le message aux Américains: « il s’agit d’un vol de pétrole libyen », » il faut arraisonner le bateau ».

Dans la semaine qui suit, Jadran m’appelle. L’équipage est dans un désarroi total, le bateau va arriver à Chypre. « Je t’en supplie va voir l’équipage t’assurer que ça va et résoudre le problème ». Je file sur Tel Aviv. De là-bas, on va en Grèce, on leur amène des Mac Donalds, des cigarettes et on constate les dommages.

Mondafrique : L‘équipage était-il libyen ?

P.S :  L’équipage était constitué de Pakistanais, de Soudanais, un équipage de tanker normal, à part trois libyens, le propriétaire et deux autres, qui étaient là pour protéger le bateau. Donc on discute avec eux. On leur dit qu’on va leur trouver un port pour réparer, pour que l’équipage descende. Je leur dis de me laisser en parler avec différents gouvernements. J’en parle avec Zuma, l’entourage de Poutine est joint

Pendant ce temps, les autorités libyennes, qui sont infiltrées par les hommes de l’islamiste Abdelhakim Belhadj, continuent à faire croire aux Américains que le bateau est là pour financer les gens de Benghazi, et l’information continue à tourner dans la presse. Et quand le petit bateau retourne des eaux internationales, il se fait arrêter par les forces spéciales chypriotes. Ils soupçonnent les Libyens de prendre les autres en otage, cherchent des armes mais ne trouvent rien d’illégal.

Le lendemain, les Navy SEALS américains prennent le bateau avec les titres qu’on voit dans les journaux. Nous on rigole, parce que ceux qui passent pour les pirates sont en fait les propriétaires du bateau qu’ils ont acheté aux Séoudiens. On balance une lettre à Obama, à l’Ambassadrice Américaine en Libye et à Ban Ki Moon. Les Américains reculent un peu parce qu’au début ils disaient qu’ils allaient le ramener en Libye directement, mais pendant trois quatre jour, le bateau disparaît. Il y a un flottement. Finalement, les Américains livrent le tanker directement aux hommes de Belhadj. Naturellement, les trois Libyens qui se trouvaient  sur le bateau sont mis en prison.

Depuis, les Israéliens sont intervenus pour dire aux Américains que ça ne va pas, qu’ils ne peuvent pas prétendre qu’ils luttent contre Al Qaeda et donner tout pouvoir aux islamistes en Libye. La confusion est totale.

Mondafrique : Le chef des rebelles, Jadran, est-il proche de Tel-Aviv ?

P.S : Non, il  n’est pas proche de Tel Aviv, mais les ennemis de ses ennemis sont ses amis. Et Jadran me donne des informations sur les trafics entre les islamistes de Libye et le Hamas palestinien. Il s’oppose aux islamistes, aux Frères musulmans et à Al Qaeda. Cette histoire est incroyable parce qu’elle montre bien l’incohérence de la politique américaine. Ils disent s’opposer à Al Qaida, mais en fait ils sont à Tripoli  aux ordres des Frères Musulmans qui protègent les terroristes.

Mondafrique : Du coup Jadran a été affaibli par cette affaire ?

P.S : Au contraire. La semaine dernière, les trois Libyens ont été libérés. Une partie des officiels de Tripoli réalise que Jadran est fort et qu’il faut se rallier à lui. Il faut rappeler qu’il tient complètement l’Est, à des accords avec le Sud et un discours politique raisonnable en demandant un Etat fédéral.

Tout le monde a compris ça à part les Américains et les Français qui dans cette affaire rivalisent de nullité. Naturellement Jadran va arriver au pouvoir.C’est sûr que s’il a le soutien de l’Afrique du Sud, d’Israël, de l’Egypte ça va l’aider

Mondafrique : Quelle va être l’issue politique de cette crise?

P.S Pour moi, le moment clé sera l’élection de l’égyptien Abdel Fattah Al-Sissi. Pour le moment il la met en veilleuse mais dès qu’il sera installé il y aura une grosse offensive diplomatique et militaire. Belhadj le sait, c’est pour ça qu’il joue le tout pour le tout. De leur côté les Américains reviennent un peu mais après deux années de conneries, ils continuent à faire n’importe quoi. Ils soutiennent ceux qui ont attaqué leur ambassade et tué leur Ambassadeur Stevens.  C’est très mystérieux, est-ce que c’est Obama, ses conseillers, les lobbys ? Vraiment on ne sait pas.

Pour moi on est dans les phases finales au niveau politique, Zuma remet en route la commission ad hoc avec l’Union africaine et fait passer la consigne qu’il faut résoudre ce problème vite. Avec, s’il le faut une partition de la Cyrénaïque qui est forte et possède le pétrole. Ce n’est pas ce que veut Jadran et la communauté internationale s’y opposera, mais dans la négociation avec Tripoli, cette possibilité est sur la table..

Mondafrique : Quelle est l’attitude du gouvernement français dans la crise libyenne ?

P.S :  Les Français sont inexistants. Il faut dire aussi que les Libyens leur en veulent d’être venus, d’avoir détruit et d’être partis. La politique française étrangère est aussi nulle que celle d’Obama, Fabius n’aime pas l’Afrique, il suffit de regarder la Centrafrique.