A la découverte de la face cachée de Paul Kagamé

Pour les uns, Paul Kagama c’est le dépositaire du miracle rwandais, pays sorti exsangue du génocide de 1994 qui a fait près d’un million de morts. Pour les autres, c’est un homme à poigne qui dirige d’une main de fer le Rwanda. Un livre-entretiens signé par François Soudan nous présente différentes facettes du chef de l’Etat rwandais.

Tout n’a pas déjà été dit et écrit sur Paul Kagamé, président du Rwanda depuis 2000 après avoir été vice-président et ministre de la défense pendant six ans. C’est la preuve qu’apporte le livre-entretiens que publie chez idm François Soudan, directeur de la rédaction de l’hebdomadaire Jeune-Afrique, sous le titre « L’homme de fer. Conversations avec Paul Kagamé président du Rwanda». Sur près de 127 pages,  dont une post-face de Kagamé lui-même, Soudan nous emmène à la rencontre de l’ancien réfugié rwandais en Ouganda, de l’ancien guérillero. On apprend ainsi que le chef de l’Etat rwandais déteste l’alcool et ne dort que 5 heures par jour. A travers les pages, le lecteur constate que l’auteur a su déjouer le piège de la complaisance inhérent à l’exercice du livre-entretiens pour poser des questions qui fâchent,  notamment sur la mort de Patrick Karegeya, ancien  chef des renseignements rwandais,  sur les comptes bancaires  à l’étranger des Kagamé, sur la CPI, « le génocide des hutus », etc.

La trahison a un prix 

A chaque fois,  Kagamé y a répondu avec une franchise,  souvent brutale. En témoigne sa réplique sur la mort de Karegeya : « A ceux qui posent cette question, tout en sachant parfaitement que ce genre de personnage s’est fait l’avocat de la violence, je réponds ceci : le terrorisme a un prix, la trahison a un prix. On est tué comme on a soi-même tué. Chacun a la mort qu’il mérite ».

S’appuyant sur une plume fluide et élégante,  le directeur de la rédaction de JA donne dans ce livre les clefs pour comprendre le miracle rwandais. Reconstruit sur les cendres du génocide, le pays affiche aujourd’hui une réussite insolente sur certains points : 60% d’augmentation du revenu par tête d’habitant, chute de 70% de la mortalité infantile, deuxième rang africain au classement de Doing  Business de la Banque mondiale… Mais ce miracle rwandais crée-t-il une exception Kagamé ? La question prend tout son sens en pleine dynamique de révision constitutionnelle sur le continent. A la différence de nombreux autres prétendants à l’aventure du troisième mandat,  Kagamé affiche un solide bilan. Faut-il alors exiger qu’il s’arrête au nom de la règle de l’alternance ? Le livre-entretiens laisse le débat ouvert.