Aux Seychelles, Léon Radegonde et son travail de mémoire sur l’esclavage

Les portraits photographiques, figés sur du contreplaqué et encadrés dans du bois, ainsi que les formes abstraites sur toile de jute, où se dessinent en filigrane des visages, constituent autant de vestiges mnémoniques exhumés par Léon Radegonde qui évoquent une histoire parfois empreinte de douleur, une réminiscence que l’on préfère parfois laisser enfouie. Les oeuvres de l’artistes sont exposées à la Galerie nationale des Seychelles à Victoria

Vel Moonien

À 74 ans, Léon Radegonde vient d’inaugurer la Galerie nationale de Victoria, à Mahé, l’île principale des Seychelles, à travers une exposition qu’il a mis six ans à préparer. Des matériaux alternatifs et des objets de récupération tels que des planches issues de maisons créoles démolies, des cordes faites de fibres de coco, des pièces en métal rouillé, voire des sacs de jute, sont sa marque de fabrique.

Un de ses portraits photographiques figés sur du contreplaqué 

En 2017, il avait aussi été le premier artiste de l’archipel à exposer ses œuvres à la galerie d’Eden Island, une île artificielle cernée par des yachts où les nantis de l’archipel se la coulent douce. Malgré son âge, Léon Radegonde ne cesse de cultiver son originalité. Son inspiration, il la tire au sol de duplex qui lui sert tout aussi de studio que de galerie à Macchabée, au nord-est de Mahé, face à l’océan. Il préfère la rouille et l’huile de vidange à la peinture pour un travail de mémoire sur l’esclavage et l’injustice.

Peintre, sculpteur, et photographe

Ce fils d’un ouvrier et d’une cuisinière dans une famille de planteur de l’île de La Digue, une des « îles intérieures » des Seychelles, peint, cloue, coud ou fait des collages. Les portraits photographiques, figés sur du contreplaqué et encadrés dans du bois, ainsi que les formes abstraites sur toile de jute, où se dessinent en filigrane des visages, constituent autant de vestiges mnémoniques évoquant une histoire parfois empreinte de douleur, une réminiscence que l’on préfère parfois laisser enfouie.

Les tapisseries de l’artiste sont très courues après d’une clientèle allemande 

Le temps ne fait pas souvent son œuvre, dit-il, il reste une empreinte dont nous devons être les témoins. Tour à tour enseignant de français et directeur de « Linsitit Kreol », Léon Radegonde a quitté le service public il y a deux décennies pour se consacrer exclusivement à son art. Il a exposé en Afrique du Sud, en Allemagne, en France, à l’île de la Réunion et à la Biennale de Venise. Présenté comme l’un des artistes incontournable Seychelles, ses œuvres sombres, aux couleurs ocres, sont faites pour éveiller les consciences et nourrir l’imaginaire.

« Elles vieillissent en même temps que moi ! » lâche-t-il avec humour après une grasse matinée héritée de ses années d’études au Canada, au Royaume Uni et en France, plus exactement en Bretagne. Il aime raconter qu’il a d’abord étudié le français, car c’est une langue couramment parlée à La Digue et qu’il a découvert à l’âge de 17 ans grâce à un ami. Ses tapisseries, des totems et autres œuvres trouvent preneur surtout auprès d’une clientèle allemande, notamment après une exposition à Munich en 2011.