Stéphane Koudougnon : « Les Africains ne craignent pas un changement de régime en France »

Stéphane Koudougnon est une figure de la politique ivoirienne. Ancien député de Cocody, il fait partie des anciens cadres proches de l’ex-président Laurent Gbagbo qui ont rejoint Simone Gbagbo, son ancienne épouse et ancienne première dame, désormais à la tête de son propre parti politique, le Mouvement des générations capables (MGC). Stéphane Koudougnon a été promu comme l’un des conseillers politiques de cette nouvelle formation politique. Grand observateur de la vie politique française, il ne s’inquiète pas des derniers succès électoraux du Rassemblement national puisque, dit-il, si ce parti est porté par autant de français, c’est qu’il répond aux besoins de ceux-ci. Quant à au discours ambiant sur l’immigration, il estime qu’il faut attendre.

Correspondance à Abidjan, Bati Abouè

Mondafrique : que pensez-vous des résultats électoraux très flatteurs du Rassemblement national en France ?

Stéphane Koudougnon : Les Français ont exprimé leur ressenti par rapport à la politique menée dans leur pays et par rapport au personnel politique français. J’estime que c’est une affaire franco-française et qu’il faut respecter la volonté de ceux qui se sont prononcés à travers ce vote.

Le prochain premier ministre français pourrait être Jordan Bardella, un homme dont le discours instrumentalise l’immigration des Africains.

On verra bien, entre les promesses de campagne qui n’engagent que ceux qui y croient, selon l’ancien ministre de l’intérieur français Charles Pasqua, et la réalité du quotidien qui met tout homme politique face au réel, ce que M. Bardella fera. Peut-être que, une fois au pouvoir, il comprendra que l’immigration étrangère, quand on a retiré les binationaux et ceux qui ont acquis la nationalité française, est estimée par l’Insee à seulement 5,3 millions de personnes sur les 67 millions de français. On est donc loin de la paranoïa ambiante du grand remplacement. Cela dit, la France est libre d’appliquer la politique qu’elle veut, quand bien même elle ne s’économise jamais de faire la leçon au monde entier, comme ce fut le cas en Côte d’Ivoire.

Et est-ce qu’il y a de réelles craintes d’une victoire du Rassemblement national pour les Africains ?

Pourquoi les Africains devraient-ils avoir particulièrement peur d’un changement de régime en France, pour ceux qui vivent en France, et à plus forte raison pour ceux qui vivent en Afrique ? Nos pays sont complémentaires, d’une part, et je pense aussi que la France est assujettie au respect des droits humains, d’autre part. Et, dans ce contexte, je n’ai pas de raison de penser que les droits des Africains ne seront pas respectés.

Le programme du Rassemblement national vise justement à restreindre la migration en France. Est-ce que cela vous fait peur ?

Non. Bien sûr, les Africains qui émigrent en France sont ceux qui ont le plus besoin de s’intégrer compte tenu du chômage et du manque de perspectives sous le ciel du continent africain. Donc, il appartient aux Etats africains de faire en sorte que leurs peuples ne soient plus condamnés à aller chercher pitance ailleurs. Et, dans ce cadre, ils doivent tirer le plus grand profit de toutes les richesses potentielles dont nos pays disposent. Mais pour cela, il faut que les gouvernants se réveillent et que les jeunesses africaines poussent tous ceux qui nous gouvernent à s’occuper de leurs problèmes.

 Mais selon vous, quel impact la victoire du RN pourrait avoir, pour le continent africain, sur le plan économique et politique ?

Je pense que nous aurons toujours les mêmes relations de coopération entre la France et les pays africains. Et celle-ci sera au mieux des intérêts de chacun. Les dirigeants africains n’ont plus droit à l’erreur parce que les jeunesses africaines ne supportent plus d’être assises sur un sous-sol riche en minerais de toutes sortes tout en traînant la savate. Donc, qu’il s’agisse de M. Bardella ou d’un autre, plus personne ne viendra désormais en Afrique en terrain conquis ou en colonisateur adulé. C’est valable pour la France, mais c’est aussi valable pour la Chine, la Russie et les États-Unis. Les temps où on vendait les esclaves sur des comptoirs pour enrichir leurs maîtres blancs est terminé, tout comme le temps où la France imposait des dirigeants à la tête de nos pays pour y faire la pluie et le beau temps.

Législatives, le Rassemblement National largement en tête !